Nous sommes le 11 septembre 2023. Le 11 septembre 1973, nous y étions. Cinquante ans déjà durant lesquels nous avons milité pour un autre Chili dans les pas du président Salvador Allende dont le parcours nous a toujours séduits et a invité très tôt la jeunesse chilienne des années soixante-dix à adhérer à la construction d’une voie pacifique vers le socialisme. Nous y croyons encore, malgré les oppositions qui se dressent dans le Chili actuel contre un processus de transformations sociales qui met en péril les possédants de la richesse chilienne. Militants d’un des partis de la coalition de l’Unité populaire, nous avons risqué nos vies face à un coup d’État militaire plein de haine, d’une grande violence, pour préserver la démocratie élargie à laquelle aspire une grande majorité de Chiliens. Les prochaines semaines seront difficiles pour le gouvernement du président Gabriel Boric et les négociations se poursuivent entre les progressistes pour trouver le chemin d’un consensus afin d’aboutir à  une nouvelle Constitution dans les pas de Salvador Allende… Restons attentifs.

Coïncidence du calendrier, les éditions Catalonia à Santiago du Chili viennent de publier un livre sous le titre singulier de « Pinochet déclassifié », de l’analyste étasunien Peter Kornbluh qui a consulté deux rapports déclassifiés récemment par la CIA, rédigés pour le président Richard Nixon, l’un quelques jours avant le coup d’État de septembre 1973,  l’autre le matin même du coup d’État. Lus isolément, ils donnent l’impression que les États-Unis n’avaient qu’une idée vague et lointaine de ce qui se passait au Chili. Le livre révèle clairement l’histoire d’une ingérence brutale de la part des États Unis. « Le lendemain de la prise du pouvoir par l’armée par la violence, des membres du Département d’État se sont réunis pour discuter des lignes directrices que Henry Kissinger devrait suivre lorsqu’il répondrait à la presse sur le « degré de connaissance préalable que nous avions du coup d’État ». Jack Kubisch, secrétaire adjoint aux Affaires de l’hémisphère occidental, a souligné qu’un certain soldat chilien, qui s’est avéré n’être autre que Pinochet lui-même, avait informé l’ambassade que les conspirateurs en avaient caché, à ceux qui les soutenaient aux États-Unis, la date exacte. Date à laquelle ils agiraient contre Allende. Kubisch a néanmoins déclaré qu’il n’était pas sûr « que Kissinger devait utiliser cette information, étant donné qu’elle mettrait en évidence l’étroitesse de nos contacts avec les putschistes »… Nous vous invitons à lire la suite de ce rapport dans un article que nous présentons dans cette newsletter au moment où paraît au Chili Pinochet déclassifié.

Nous profitons de ce temps de mémoire pour inviter tous les lecteurs de nos différents supports à continuer à nous soutenir et nous aider à traverser le cap de nos quarante ans ininterrompus de médiation que nous espérons célébrer en septembre 2024. D’autre part, durant la deuxième quinzaine de septembre, nous publierons le n° 316 de notre revue trimestrielle, avec un dossier sur les 50 ans du coup d’État au Chili accompagné des longs extraits d’un entretien entre Régis Debray et le président Salvador Allende qui a été édité en 1972 par l’ancienne maison d’édition de François Maspero. Le livre est aujourd’hui épuisé, mais nous avons un exemplaire qui nous a permis de récupérer une grande partie de cet entretien historique.

Januario ESPINOSA
Directeur de la rédaction