L’hyper-dépendance au pétrole et le contrôle des prix ont contribué à plonger le Venezuela dans une profonde crise économique depuis 2013. Les débuts de l’ère chaviste étaient pourtant empreints de féminisme instrumentalisé par Hugo Chávez et de promesses socialistes pour une santé universelle. Mais depuis le début de la crise, le manque d’accès à la contraception et la dégradation du système de santé mettent en danger la santé des Vénézuéliennes.
Photo : Anticoveticos
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la santé sexuelle et reproductive « est un état de bien-être total sur le plan physique, mental et social, relativement à tous les aspects du système reproductif. » Lorsqu’elle est garantie, la personne est donc libre d’avoir des relations sexuelles protégées et de pouvoir choisir d’avoir un enfant ou non sans que cela représente un risque pour sa santé. En 1999, le père de la Révolution bolivarienne Hugo Chávez devient président et promulgue la nouvelle Constitution. Dans un idéal socialiste, elle vise notamment à garantir une santé de qualité et gratuite pour toutes et tous. L’article 76 indique que « les couples ont le droit de décider librement et en toute responsabilité du nombre d’enfants qu’ils souhaitent concevoir » dans un État qui « assure les services de planification familiale ». Néanmoins, l’avortement est pénalisé, sauf en cas de risque pour la santé de la mère.
En mars 2020, lors d’une rencontre dédiée au Plan national d’accouchement humanisé et d’allaitement maternel (Plan Nacional de Parto Humanizado y de Lactancia Materna), Nicolás Maduro encourage les femmes à enfanter en s’adressant à l’une d’entre elles présentes ce jour-là : « Que Dieu te bénisse d’avoir donné six enfants. Accouchez donc, accouchez ! Que toutes les femmes aient six enfants, toutes, et que grandisse la patrie ! » Cette stratégie d’encouragement de la natalité est difficilement compréhensible dans un pays en crise où la mortalité maternelle touche 125 femmes sur 100 000 naissances – contre 8 sur 100 000 en France.
Dans un contexte de crise économique qui dure depuis huit ans, l’accès à la santé est impossible pour une grande majorité de la population vénézuélienne. L’hyperinflation provoque l’augmentation extrême du coût de la vie puisque le bolívar perd en valeur. Cette crise s’étend évidemment au système de santé : baisse des salaires et émigration du personnel médical, pénurie de matériel médical, hausse du prix des médicaments, augmentation de la mortalité maternelle et infantile, des grossesses adolescentes… Au cœur de cette urgence humanitaire, l’accès à la contraception est une problématique majeure car elle entraîne un cercle vicieux de pauvreté.
L’absence de contraception par manque de moyens ou par pénurie provoque des grossesses non désirées. L’avortement clandestin se présente alors comme une solution par dépit. Outre l’impact psychologique qu’ils peuvent avoir, ces avortements sont dangereux et parfois mortels. Dans le cas où la femme arrive au terme de sa grossesse, souhaitée ou non, il est difficile de subvenir aux besoins d’un enfant. Si dans un contexte économique stable l’arrivée d’un enfant est perçue comme un évènement positif, elle est inenvisageable dans une telle situation de pauvreté.
La dévaluation de la monnaie fait exploser les prix des contraceptifs. Le salaire minimum est d’environ 400 000 bolívares alors qu’un seul préservatif coûte minimum 600 000 bolívares sur Farmatodo, l’une des principales chaînes de pharmacies. Néanmoins, cette solution est la plus accessible face à une pilule contraceptive qui revient à 11 dollars mensuels ou au dispositif intra-utérin (DIU) qui coûte environ 40 dollars. En ce qui concerne le secteur public, il n’est quasiment jamais approvisionné en contraceptifs. En somme, avoir des relations sexuelles sans risque de tomber enceinte est hors budget pour une immense majorité de couples. Outre cette première atteinte aux droits reproductifs et sexuels, devenir mère est davantage perçu comme un risque car élever un enfant est également hors budget.
Dans un contexte où la pandémie actuelle aggrave d’autant plus la situation sanitaire du Venezuela, les droits reproductifs et sexuels sont gravement atteints. Ils ne sont absolument pas à minimiser dans une conjoncture entravant le droit d’être sexuellement active, d’être ou de ne pas être mère que ce soit à cause d’une contraception inaccessible ou par l’incapacité de subvenir aux besoins d’un éventuel enfant.
Victoria GALLION