Le Festival international d’arts scéniques Santiago Off fête ses 10 ans au milieu de la crise sanitaire, à l’occasion de laquelle il a réinventé son format et offrira de nouvelles manières de présenter des contenus ouverts au public, parmi lesquels un atelier dirigé par Laura Fuentes Matus actrice chilienne ayant élu résidence à Paris.
Photo : Santiago Off
Comme toujours, la résilience est l’une des grandes qualités de l’équipe du Santiago Off, qui a trouvé depuis près d’une décennie le moyen de soutenir ce festival, initiative indépendante, dans l’une des industries culturelles les plus complexes. Le Santiago Off est un festival international des arts de la scène lancé au Chili en janvier 2012 et qui rassemble chaque année pendant dix jours consécutifs des dizaines de créateurs et créatrices, des espaces culturels, des organisations et des communautés. Le festival se positionne comme une rencontre du monde artistique et des citoyens, se distinguant ainsi dans toute la région sud-américaine.
Il est né dans la capitale chilienne – Santiago du Chili – de la volonté de plusieurs groupes artistiques et collectifs dont les saisons théâtrales se déroulaient l’été, en dehors des festivals de grande envergure et de leur rayonnement communicationnel. La volonté d’association a été immédiate et la compagnie La Fulana Teatro y Gestión a rapidement pris la tête du mouvement et commencé à écrire cette histoire sous le slogan « l’union fait la force ». Ce slogan représentait non seulement l’union de deux groupes artistiques, mais plus largement l’appel à la communauté culturelle à unir ses forces pour réaliser ce projet.
En 2020, juste avant la célébration des 10 ans du festival, le scénario est devenu très incertain, d’abord en raison de la situation sociale chilienne à partir d’octobre 2019, puis en raison de la pandémie du coronavirus. La fondation responsable du Santiago Off a été obligée de repenser la réalisation de ses activités, en les confrontant à la situation complexe de la migration de l’expérience théâtrale vers le monde du numérique et de la transmission en streaming, dans l’une des années les plus difficiles pour l’industrie culturelle mondiale et la plus socialement mobilisée au Chili.
Ce n’est donc pas un hasard si, en l’honneur des liens importants qui unissent le Santiago Off à la France, la comédienne chilienne vivant à Paris depuis 10 ans, Laura Fuentes Matus, présentera, dans le cadre du festival et à l’invitation de l’Institut Français, son stage « La voix pour le travail de l’acteur ». Enseignante et metteuse en scène, elle est spécialiste du travail sur les pratiques vocales de l’acteur Roy Hart et de l’association Panthéâtre,
Titulaire d’un Master Recherche en Arts du Spectacle et Spectacle Vivant à l’Université Paris 8, elle y enseigne aujourd’hui le théâtre contemporain et la force vocale et émotionnelle. Elle est également directrice artistique de l’association française Pemehue CAI (coopération artistique internationale), liée à la création et aux échanges culturels. Elle a transmis son approche du travail vocal et présenté son matériel artistique et pédagogique au Mexique, au Chili, en Russie, en Grèce, en France et en Indonésie. Elle a également travaillé pour des compagnies françaises renommées telles que : Vlovajob Pru de François Chaignaud et Cecilia Bengolea, A Short Term Effectué (ASTE) d’Alexandre Roccoli, Panthéâtre ou encore Louve Aimantée.
Au cours de ses ateliers, elle enseigne les outils de direction pour l’entrainement total de l’acteur, lesquels sont abordés et travaillés à partir d’extraits de l’œuvre Fragments d’une amulette brisée, du Mexicain Angel Hernández. Cette œuvre cherche à établir un rapport entre les convictions et les rêves des jeunes poètes latino-américains de la génération 1968 et leur résonance au sein des mouvements sociaux de diverses parties du monde comme la France, la Pologne et la République tchèque. Ce travail, Laura Fuentes le mène depuis deux ans. Il permet d’explorer la géographie d’un territoire, jusqu’à la poétique d’une archéologie vivante de la mémoire des mouvements étudiants les plus significatifs de ces derniers temps.
« Le théâtre que je produis génère des échanges. Il s’agit de polir différents points de vue et d’analyser ce qui se passe aujourd’hui avec le théâtre contemporain dans chaque culture. L’échange nous permet d’aligner les points de vue, de les rejoindre et de les mélanger, d’apprendre des uns et des autres ; de réaffirmer et d’être conscients de ce que nous recherchons et de ce que nous sommes. Cela permet le développement d’une nouvelle esthétique théâtrale qui se déroule au cours d’un voyage », indique Laura Fuentes Matus.
Le Santiago Off et la France : une relation fructueuse
Au-delà des spectacles, l’aspect le plus remarquable de cette rencontre des arts de la scène est peut-être que ses objectifs donnent la priorité à la mise en relation de l’art avec les citoyens dans une perspective horizontale, en favorisant l’accès, la participation et le renforcement du secteur professionnel des arts du spectacle à travers des initiatives constantes visant à promouvoir le travail collaboratif.
C’est dans ce contexte que, depuis 5 ans, le Santiago Off entretient une relation d’échanges culturels avec la France, née d’un travail avec des organisations telles que l’Institut français de la culture, dont la présence est importante au Chili. Grâce à ce lien, des artistes comme Bintou Dembélé en danse contemporaine et Raphaëlle Delaunay et Mohamed El Khatib en théâtre ont voyagé au Chili : David Bobbe en résidence et direction des arts de la scène et de l’écriture dramatique, ou encore Alexandra Badea, Samuel Gallet, Kevin Keys et Julie Menard.
Les liens sont également forts avec le Théâtre national de Bretagne, où plusieurs associations ont permis l’échange d’artistes. C’est aussi dans ce cadre que le Théâtre de la Ville, à Paris, a reçu la compagnie chilienne Teatro Proletario. Au Festival d’Avignon, des travaux ont été réalisés à l’occasion de tables rondes et de discussions, mettant en avant l’importance du Santiago Off comme instance d’importation et d’exportation de contenus culturels dans le domaine des arts du spectacle.
La participation de la comédienne et metteuse en scène Laura Fuentes Matus s’inscrit dans cette même ligne de travail : la collaboration. Ce n’est pas quelque chose de nouveau car, en décembre 2019, c’est la compagnie de Laura qui a invité Claudio Fuentes, directeur du Festival Santiago Off, à venir à Paris à exposer La scène rebelle, dans le cadre de la table ronde La scène en état d’urgence à laquelle était également conviée Ana Tijoux et Carla Trenfo, au Théâtre de l’Opprimé. « J’ai créé cette action au milieu d’une explosion sociale, car il me paraissait essentiel de partager avec le public français la manière dont la culture s’est installée au Chili ces dernières années et les multiples jongles que les artistes font pour réaliser leurs créations, et pour cela inviter Claudio était nécessaire. À partir de son travail, il a abordé des questions d’art, de politique et de citoyenneté. Avec un accent particulier sur la manière dont les mouvements culturels et les organisations de la société civile dialoguent avec les changements et les demandes sociales promus au Chili depuis le 18 octobre 2019 », déclare Laura Fuentes.
La comédienne apportera donc cette année au Chili le stage « La voix pour le travail de l’acteur : Voix, Poétique et Politique ». Il s’agit d’une pédagogie, un apprentissage nomade sur la spécialisation du travail de l’acteur, qui interroge sa propre culture, en dialogue avec les méthodes européennes, questionnant ainsi la figure du témoin actif, étranger et la notion de territorialité. « Je cherche à représenter la rencontre de deux cultures très différentes (culture chilienne et culture européenne) et à travers une confrontation dialectique générer une réflexion poétique », explique la comédienne. De plus, les acteurs sélectionnés rejoindront la mise en scène de Fragments d’une amulette brisée, qui sera présenté lors de l’édition 2022 du Festival Santiago Off.
Célébrer une décennie de festival
Le Santiago Off a réinventé son schéma de programmation des activités avec l’incorporation de formats numériques pour l’exposition des œuvres. Ainsi, nous sommes face à un cas unique dans lequel la concentration des activités en sessions quotidiennes transmises en streaming permettra de toucher un public plus large, contrairement aux années précédentes où il y avait beaucoup d’activités simultanées et présentielles.
Dans cette nouvelle version, la programmation sera presque exclusivement numérique, avec plus de 35 œuvres dont des œuvres internationales, des créations d’œuvres créées durant la pandémie et un espace musical qui sera préenregistré et diffusé en streaming. Une partie des spectacles sera présentée gratuitement au public. De même, la escuela Off, le grand espace de formation du festival, sera à la fois en ligne et en présentiel avec des ateliers, des master classes et des conférences destinées aux professionnels des arts du spectacle. L’activité de rencontre de programmation disposera également d’un mécanisme virtuel pour promouvoir, de la meilleure façon possible, la création de nouveaux réseaux pour l’échange de contenus culturels.
Le X Festival international Santiago Off se tiendra du 21 au 30 janvier et, pour la première fois, nous pourrons en profiter presque entièrement de ce côté du monde. Les œuvres seront mises en ligne dès leur création et disponibles sur le site web du festival pendant 24 heures. Les spectateurs pourront contribuer sous forme de dons depuis le monde entier et ainsi participer à la production du festival.
Laura FUENTES MATUS
Retrouvez l’actualité du festival sur les réseaux sociaux et consultez le programme complet sur www.santiagooff.com