Mis au défi par leur éditrice Emmanuelle Collas, lors du premier confinement, d’écrire ce type de livre, William Navarrete et Pierre Biganmi ont brillamment rempli leur contrat. Paru lors du second confinement, Le tour du monde en 80 saveurs est un festival de destinations choisies parmi trente années de voyages effectués le plus souvent à deux. De nombreuses recettes culinaires célèbres ou inconnues y sont dévoilées hors des chemins traditionnels. Aucune chronologie n’existe dans le livre, ni aucun ordre dans les voyages. Les trente-six chapitres qui égrènent les souvenirs des deux gourmets, se dévorent littéralement.
Photo : éd. Emmanuelle Collas
Comment réinventer le voyage de Phileas Fogg imaginé par Jules Verne ? Un monde inimaginable près de la côte bling-bling de Miami. Des habitudes alimentaires étranges au Malawi. Une attirance fatale à la fin d’un déjeuner au pied de la montagne Rouge à Tenerife, Léonard de Vinci et Rimbaud ont-ils goûté l’afélia et les loukoums du Troodos à Chypre ? Comment contourner l’interdiction de se rendre en Corée du Nord. Les oranges de Malte. L’art de découvrir un manoir normand en pleine cordillère des Andes. Voici quelques titres évocateurs du voyage au long cours de Pierre Bignami et William Navarrete, dont les escales sont nombreuses, non exhaustives et aventureuses.
Départ de Nice, retour à Nice. Un voyage culinaire et gastronomique, qui nous conduit de la Ligurie à la Sardaigne, en Italie et en Sicile, de Malte à la Grèce et à la Turquie, sans oublier Chypre et Israël, puis l’Arabie, le Malawi ou la Réunion, l’Inde, le Vietnam et la Corée du Sud, le Mexique, Cuba, la Colombie, le Pérou ou la Bolivie, Tahiti, la Nouvelle-Orléans et la Floride, puis le Canada, ou encore les Iles Canaries, le Maroc, le Portugal et l’Espagne, enfin l’Autriche et la Pologne avant de revenir dans les Alpes Maritimes. Un itinéraire plutôt surprenant, où la littérature et l’histoire sont toujours au rendez-vous. Sous forme de nouvelles ou de récits, Le tour du monde en 80 saveurs est une invitation à la découverte des couleurs, des odeurs, des goûts et des saveurs par deux gourmands complices, curieux et vagabonds.
Pierre Bignami, débute avec l’histoire familiale, celle de sa grand-mère et de ses sœurs qui en 1922 fuirent le fascisme en Italie, et s’arrêtèrent à Villefranche-sur-Mer faute d’avoir pu atteindre les États-Unis, et y tinrent deux restaurants réputés. Ces racines italiennes et l’odeur de la cuisine permettent de nombreuses échappées sur cette terre si riche en patrimoine et en traditions culinaires. À côté de la pizza napolitaine, naturellement avec des tomates de San Marzano, des sublimes glaces dans des lieux sans charme, les gnocchis et la panna cotta de la vallée de Varaita exceptionnels, dans une trattoria familiale aux règles bien établies. Et que dire des citrons ramassés au sol en Sicile, à la saveur hors norme, qu’un chien agressif laissa aux deux touristes en échange de gâteaux. Et déguster l’or rouge de Sardaigne, durant les grandes fêtes en l’honneur de ce mets, est un instant de félicité.
William Navarrete, naturalisé français, va à Miami, lieu d’exil, pour découvrir les plats traditionnels cubains auxquels il n’a jamais eu accès, face à la pénurie alimentaire qui frappe son pays de naissance. Mexique, Bolivie, Colombie, apportent couleurs, exubérance, et se révèlent terres de violences par instants. Lorsque l’ivresse de l’altitude au Pérou agit, et qu’une vendeuse de tamales (papillotes de maïs, fourrées de viande) les envoute avec son mets, ils sont dans l’incapacité de la retrouver, personne ne la connaissant ou ne l’ayant déjà vue. Le Moyen-Orient, l’Asie ne sont naturellement pas oubliés dans ces haltes.
D’après les éditions
Emmanuelle Collas
Le tour du monde en 80 saveurs, récits de voyages et recettes gourmandes par William Navarrete et Pierre Bignami aux éditions Emmanuelle Collas, 345 p., 19 euros.