Euclides Rodrigues Pimenta Da Cunha est un militaire positiviste, anticlérical, abolitionniste, républicain, libéral et en littérature acquis aux théories naturalistes, il démissionne et devient journaliste. C’est à ce titre qu’il va assister à la campagne de Canudos. Hautes Terres (Os Sertões) sort en 1901 et connaît un succès immédiat. Après cette publication il est nommé à la tête d’une commission d’exploration de l’Amazonie.
Photo : Chandaige
En décembre 1904, Euclides da Cunha (1866-1909), un des auteurs clé de la littérature brésilienne du XXe siècle, quitte Rio de Janeiro pour se rendre à Manaus et entamer une mission de reconnaissance du bassin ouest de l’Amazonie. L’expédition qui le mène jusqu’à la région frontalière avec le Pérou le poussera au bord de la folie, mais elle lui permettra aussi de se familiariser avec la dernière part obscure du Brésil. Sa découverte de la nature équatorienne et des populations qui vivent sur les rives des fleuves le bouleverse et sa vision du drame qui s’y joue — l’esclavage des ouvriers du caoutchouc, la destruction silencieuse des Indiens — l’amène à projeter d’écrire, après son chef d’œuvre Hautes Terres, consacré à la guerre de Canudos, un « deuxième livre vengeur ».
Son grand récit amazonien (il lui donne le titre de travail Un paradis perdu) ne verra cependant jamais le jour : Euclides da Cunha meurt quatre ans après son voyage, abattu en août 1909 à son domicile à Rio par l’amant de sa femme. Néanmoins, tout laisse à croire que le texte aurait été porté par une ferveur qui ne le cède en rien à celle qui sous-tend son plaidoyer précédent : si ses esquisses et les notes préparatoires ont disparu, la vingtaine d’articles et de récits qui subsistent témoignent de son ambition et de la beauté de sa prose.
L’invention de l’Amazonie se compose de trois de ces récits, tous issus du recueil À margem da história (« En marge de l’Histoire », inédit en français), que l’auteur a encore lui-même pu organiser. Ils disent le vertige qui nous empêche de voir l’Amazonie, les triomphes et misères que la vie dans les limbes peut susciter, la proximité entre création et destruction. Avec son œil pour les ruines à venir, da Cunha n’y livre pas seulement un aperçu de la modernité, il propose aussi un regard saisissant sur la région, une réflexion qui reste pertinente jusqu’à nos jours.
«Voici l’impression principale que j’eus, et qui correspond peut-être à une vérité objective : l’homme est encore en ces lieux un intrus impertinent. Il est arrivé là sans être attendu ni désiré – lorsque la nature arrangeait encore son plus vaste et luxueux salon.» (Euclides da Cunha, traduction de Mathieu Dosse).
Editions Chandeigne
L’inventions de l’Amazonie, trois récits par Euclides da Cunha aux éditions Chandeigne. Préfacé par Patrick Straumann. Traduit du portugais(Brésil) par Mathieu Dosse. 104 p., 12 euros.