Le 29 novembre dernier se tenait le second tour des élections municipales au Brésil. Le MDB (Movimento Democrático Brasileiro), le PSDB (Partido da Social Democracia Brasileira), le PP (Partido Progressista) et le parti des démocrates se sont imposés dans de nombreuses circonscriptions brésiliennes tandis que les candidats soutenus par le Président Jair Bolsonaro (sans parti politique) ont obtenu des résultats médiocres. Les électeurs se sont donc tournés vers le centrão (alliance des partis de centre droit), dans cette période fortement impactée par la crise sanitaire. Le PT (Partido Trabalhista) fait aussi partie des grands perdants de ces élections.
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À Rio de Janeiro, l’ex-maire de la ville Eduardo Paes (Démocratas) a été réélu face au maire sortant, Marcelo Crivella (Republicanos). Le candidat élu avait été maire de la ville entre 2009 et 2016 et l’a emporté en partie grâce à la forte impopularité de son adversaire. En effet, cet ancien pasteur était crédité de 72 % de désapprobation à quelques jours de l’élection ce qui a poussé la gauche à voter pour le candidat centriste malgré un désaccord avec sa politique. Pourtant, Eduardo Paes avait été mis en examen par le ministère public de Rio début septembre car soupçonné d’avoir reçu 10,8 millions de réais de pots-de-vin de la part du groupe Odebrecht. Ce qui ne l’a pas déstabilisé pour autant.
À São Paulo, l’actuel maire Bruno Covas (PSDB) a été réélu par 59 % des électeurs contre 41 % pour son adversaire Guilherme Boulos (PSOL – Partido Socialismo e Liberdade). Malgré sa défaite, le candidat socialiste a créé la surprise. N’étant crédité que de 13 % d’intention de vote au 30 octobre selon un sondage mené par l’institut Ibope (Instituto Brasileiro de Opinião Pública e Estatística), le candidat Boulos s’est frayé un chemin jusqu’au second tour en raflant 20 % des voix. Véritable icône chez les jeunes qui se sont largement mobilisés en sa faveur, le candidat est arrivé en tête dans les sondages d’opinion concernant les 16-44 ans. Un renouveau de la politique est à observer avec cet ex candidat à la présidentielle qui vient peut-être de rallumer la flamme de la gauche au Brésil.
Le PT, le parti de l’ex président du Brésil Luiz Inacío Lula da Silva n’a réussi à s’imposer dans aucune des capitales d’États. Le secrétaire général du PT, Paulo Teixeira, admet que « le parti aurait aimé être allé plus loin » et ouvre la voie à plus de collaboration avec d’autres partis de gauche comme le PSOL qui a fait de très bons résultats à Belém et à São Paulo. Peut-être peut-on y voir de futures alliances en vue des élections présidentielles de 2022 ?
Les candidats soutenus par Jair Bolsonaro ont connu une large défaite notamment à Fortaleza où le candidat Wagner Sousa (PROS – Partido Republicano da Ordem Social) aussi appelé « Capitão Wagner », qui avait reçu l’aide du président pour sa campagne, a été battu par un candidat du centre gauche, José Sarto (PDT – Partido Démocratico Trabalhista), qui avait reçu l’aide de Ciro Gomes (PDT), du PSDB et du PT. À Belém do Para, le candidat bolsonariste Delegado Federal Eguchi (Patriotas) a connu une large défaite face au candidat du PSOL, Edmilson Rodrigues.
Nous pouvons remarquer une augmentation des suffrages en faveur des femmes. Cette année, 652 femmes ont remporté les élections dans leurs circonscriptions et parmi elles, 33 % sont des femmes noires. Ces chiffres témoignent d’une nette augmentation mais sont néanmoins à nuancer car seulement une femme est arrivée en tête dans une des 24 capitales du pays. Les règles électorales brésiliennes qui sont sensées mener à la parité hommes-femmes au sein des institutions poussent plutôt à ce que des femmes se portent candidate à des postes de vice-préfète, rapporte El País Brasil.
Ces élections témoignent d’un électorat brésilien contrasté. Le Centrão en sort grand vainqueur mais devra adapter sa stratégie pour faire face à une gauche qui se réinvente et une jeunesse qui aspire à plus de justice sociale. Le président d’extrême droite Jair Bolsonaro quant à lui ressort encore plus isolé qu’il ne l’était. Son manque de réponse face à la crise sanitaire peut en partie expliquer le choix des électeurs qui feraient plus confiance aux partis « traditionnels » pour trouver des réponses à cette crise. Le président connaît aujourd’hui une large critique de tous les bords politiques n’ayant proposé encore aucun plan concret pour vacciner la population brésilienne contre le Covid-19.
Étienne FAIVRE