La victoire éclatante du « oui » à une nouvelle constitution (79,27 % contre 21.78 %) ouvre la voie à un Chili nouveau. Le pays doit maintenant entreprendre un long chemin pour construire une nouvelle ère post-Pinochet. La situation est complexe, le pinochetisme avait imposé sa propre normalisation “démocratique » assurant les privilèges des puissants au sein d’un ordre néolibéral et cela devra être transformé.
Photo : Alataya
Peu d’un an après que l’explosion sociale avait secoué le pays, lors du référendum historique de ce dimanche 25 octobre, le Chili dit OUI au changement de Constitution, par une majorité écrasante, près de huit Chiliens sur dix, dépassant ainsi les espoirs le plus optimistes. Et, c’est pour la première fois de l’histoire du pays que la loi fondamentale sera rédigée par une convention citoyenne et paritaire élue par votation populaire. 78,99 % ont fait le choix d’une convention formée exclusivement par 155 citoyennes et citoyens élues par une votation populaire le mois d’avril 2021.
La journéedu 25 octobre a été marquée par la participation la plus élevée depuis l’instauration du vote volontaire en 2012. Près de 15 millions de Chiliens étaient appelés à voter, presque 8 millions l’ont fait. De longues files d’attente ont été observées malgré la pandémie. Les jeunes Chiliens ont visiblement voté en nombre alors que 60% s’étaient abstenus lors de l’élection présidentielle de 2017. C’est grâce à la participation massive de cette génération que le pays peut envisager un nouveau départ.
Le processus chilien est inédit car il donnera le droit aux femmes de participer en égalité de conditions à l’élaboration de la nouvelle chartre et permettra qu’elles défendent une approche d’égalité de genre dans la société chilienne. Les peuples indigènes, espèrent également être représentés, il s’agit pour eux d’une occasion unique pour faire évoluer la position de l’Etat chilien à l’égard de cette partie de la population.
Que va-t-il se passer maintenant ?
Le déroulement de ce changement ne fait que commencer, la nouvelle constitution qui devra remplacer celle de 1980 de Pinochet, devra être rédigé dans une période d’un an et ratifiée par un nouveau vote en 2022. La tâche sera ardue car il s’agit d’un processus très complexe où les différents positions politiques seront défendus avec ardeur. Le nouveau texte de loi fera table rasse de l’ancienne constitution de Pinochet ou pas ?
Mais la première tâche sera l’établissement des listes paritaires des 155 membres de la convention constituante. Il faudra être vigilant afin que les élites politiques actuelles ne s’imposent au détriment des nouveaux leaders politiques et des représentants de la société civile. Il faudra également arriver à un consensus sur les modalités juridiques d’un quorum constitutionnel pour dépasser si nécessaire le quorum de 2/3. L’article 133 de l’actuelle constitution exige un quorum de 2/3, cela veut dire que on requiert le vote du 66% des membres de la convention pour approuver un article. C’est l’une des contraintes à laquelle se virent confrontés les différents gouvernements de la Concertation pour modifier la constitution de la dictature, car cela exigeait parvenir à des consensus.
Donc, le pays retournera aux urnes le 11 avril 2021 pour élire les 155 membres de convention constituante. Cet organe aura ensuite neuf mois pour préparer une proposition de texte. La ratification de la nouvelle constitution ne devrait donc pas avoir lieu avant juin 2022. Le document qui sera rédigé devra être soumis à une nouvelle consultation nationale, vote obligatoire, en 2022. En conséquence le nouveau texte constitutionnel sera voté sous le mandat d’un nouveau président de la république.
Le chemin s’avèrera très difficile, mais l’espoir est grand. Il s’agira de mettre peut-être fin à ce que caractérise la société chilienne : le niveau élevé de concentration du pouvoir économique et politique. Ce secteur le plus aisée essaiera de défendre ses privilèges de façon très subtile. Le 10% de la population – qui ne vit que dans trois communes de la capitale chilienne, concentre le 66,5% de la richesse mais aussi sa participation au sein du système politique. Au sein des institutions comme le parlement ou le sénat il n’existe que peu de renouvèlement ; il existe une classe dirigeante qui jouit de façon ininterrompue d’un accès à des responsabilités politiques, ce sont des clans familiaux qui se succèdent au pouvoir. La société de l’«oasis», jouit des privilèges économiques, médicales, juridiques, éducationnels, politiques… alors que les grandes majorités ont une participation précaire ou en sont simplement exclues de ces sphères.
Cette société est entrée en crise le 18 octobre 2019, c’est donc une évidence que la convention constitutionnelle ne peut rester sourde face aux demandes de la population au risque d’aggraver cette crise.
Olga BARRY