Des manifestations anti-violences policières ont eu lieu dans les grandes villes colombiennes à la suite de la mort de Javier Ordóñez, frappé à de nombreuses reprises par les forces de l’ordre colombiennes. Cet avocat de Bogotá aurait été contrôlé pour « non-respect du confinement ». Il terminera sa vie dans une clinique quelques heures plus tard. Ces manifestations de soutien témoignent aussi d’une colère grandissante du peuple face aux politiques menées par le gouvernement Duque.
Photo : El Comercio
Le partage d’une vidéo de la scène a provoqué de vastes réactions sur les réseaux sociaux si bien que dès le lendemain des milliers de manifestants sont descendus dans les rues. 10 personnes succombent aux échanges violents cette nuit-là dans les deux villes de Bogotá et Soacha et environ 400 personnes sont blessées. Ces affrontements révèlent combien la gestion de la police est défaillante.
L’événement rappelle tragiquement la mort de George Floyd aux États-Unis il y a quelques mois. En effet, dans les deux cas, les policiers ignorent complétement les plaintes de la victime et continuent à électrocuter et frapper la cible pendant plusieurs minutes. Néanmoins, les événements de Bogotá ne n’impliquent pas une discrimination raciale. À l’heure où l’opposition politique colombienne demande depuis de nombreuses années une réforme de la police, ces violences pourraient déstabiliser le pouvoir en place.
Dans un même temps, ces événements viennent réchauffer un contexte politique très instable. En effet, de nombreuses manifestations avaient pris place en Colombie entre le 21 novembre 2019 et le 21 janvier 2020. Le mouvement s’était peu à peu affaibli jusqu’à s’arrêter avec le confinement. Une journée de mobilisation était prévue le 25 mars, mais l’arrivée du coronavirus en Colombie a court-circuité tout projet de lutte.
Aujourd’hui, des personnes indignées sont de nouveau descendues dans les rues. L’élément déclencheur fut bien le meurtre de Javier Ordóñez mais, les revendications sont plus larges et proviennent directement du mouvement de l’année passée. Il faut rappeler que la Colombie a connu l’un des confinements les plus longs et difficiles du monde, plaçant les plus défavorisés en situation d’extrême précarité. Le gouvernement est aujourd’hui accusé de ne pas avoir su gérer la crise sanitaire. De nombreuses petites et moyennes entreprises sont dans des situations de vulnérabilité, les communautés indigènes ont recensé une forte hausse de la déforestation, la violence entre groupes armés a augmenté, certaines familles ont été plongées dans une forte pauvreté…
La Colombie va sortir très difficilement de cette crise. Les revendications sont nombreuses et le rendez-vous est déjà pris, il y aura une large mobilisation ce 21 septembre. Entre temps, à Popayán, les indigènes de la communauté de Misak dans le Cauca ont renversé une statue d’un conquistador espagnol, Sebastián de Belalcázar. Tout porte à croire que le problème est profond et que le peuple colombien demande une refonte profonde du système politique.
Etienne FAIVRE