Après les mesures drastiques de confinement de leurs populations, les scientifiques du monde entier se sont lancés depuis quelques mois dans une nouvelle phase dans la lutte contre la Covid-19 : la recherche et la production massive et rapide d’un vaccin. En tant que continent le plus affecté par le virus, les pays d’Amérique latine entendent bien faire partie de la solution pour répondre à cette crise sanitaire globale.
Photo : UN News
À l’heure actuelle, six projets de vaccin se trouvent en « phase 3 » de leur développement, la phase la plus avancée, qui permet les essais cliniques sur les humains. Parmi ces six projets, trois sont actuellement à l’étude en Amérique latine : le vaccin russe ‘’Spoutnik V’’, le projet de l’université d’Oxford et Astra Zeneca et finalement le vaccin chinois Sinovac. Malgré la mise à l’arrêt temporaire des essais cliniques il y a quelques jours, le vaccin mis sur pied par l’entreprise pharmaceutique Astra Zeneca et l’université d’Oxford est l’option qui a su convaincre le plus de pays sur le continent latino-américain. Mis à l’essai au Brésil, qui produira trente millions de doses, il sera également développé conjointement par l’Argentine et le Mexique. C’est une nouvelle preuve de solidarité et de rapprochement entre les deux pays d’Amérique latine, les plus opposés géographiquement mais les plus proches idéologiquement.
L’Argentine, bien que sujette à de graves problèmes macroéconomiques, peut en effet compter sur une main d’œuvre extrêmement qualifiée et des installations médicales de première catégorie. Le Mexique, quant à lui, jouera de sa parfaite intégration au système mondial de chaîne de valeurs, grâce auquel le pays nord-américain se chargera de la production et la distribution à grande échelle du vaccin. Il est prévu qu’à terme les deux pays puissent produire entre 150 et 250 millions de doses du médicament et assurer ainsi leur approvisionnement sans dépendre de sources extérieures.
Quant au colosse brésilien, il est, à l’heure actuelle, le seul pays en dehors des États-Unis à développer autant de projets de vaccin sur son territoire. Le géant latino-américain, malgré les nombreuses coupes budgétaires de ces dernières années et la réticence de son propre président à trouver des solutions constructives à la pandémie, peut compter sur des institutions de santé de renom et des plans nationaux de vaccination très puissants, parmi les plus performants du monde. En plus du projet d’AstraZeneca en collaboration avec la Fondation Fiocruz, l’Institut Butantan, référence absolue dans la production de vaccins au Brésil responsable de 80 % des vaccins consommés dans le pays, travaille sur le projet de vaccin russe ‘’Spoutnik V’’ mais également sur le CoronaVac du laboratoire chinois Sinovac. Les essais sur volontaires ont commencé ces derniers jours sur plus de neuf mille personnes et l’accord avec Sinovac prévoit la production de cent-vingt millions de doses dans le pays.
De plus, l’ampleur des cas de contagions au Brésil pourrait finalement jouer en sa faveur : en effet, pour pouvoir tester le vaccin, il faut pouvoir compter sur un nombre important de personnes infectées. Le Brésil représente donc le cas d’études parfait : plus de trois millions de Brésiliens infectés, couplé à des instituts de recherche mondialement reconnus et des programmes d’immunisation très efficaces. Seul ombre au tableau : les anti-vaccins, qui depuis quelques années, forment un mouvement solide dans le pays et qui ont réussi à faire échouer la dernière campagne de vaccination nationale en 2019, qui n’atteignit pas ses objectifs.
En dehors des trois colosses latino-américains, les autres pays de la région ne sont pas en reste : Chili, Pérou, Colombie, Cuba, tous participent à des projets de vaccin. Isolé géopolitiquement, Cuba produit aujourd’hui 80 % de ses vaccins et son système de santé universel fait que les populations de l’île sont largement vaccinées. Le projet développé à Cuba par l’institut Finlay se nomme ‘’Soberana 01’’, et serait un vaccin d’administration nasale. Le gouvernement cubain collabore également étroitement avec les scientifiques russes sur le vaccin ‘’Spoutnik V’’. Au Pérou et au Chili, les vaccins de Sinovac sont actuellement testés sur plusieurs milliers de volontaires et des universités des deux pays travaillent aussi sur d’autres projets de vaccin qui n’ont pas encore atteint la phase 3 de développement.
Tous ces projets devraient aboutir au plus tôt au printemps 2021. Au-delà de l’impact économique que pourrait avoir le développement du vaccin, cette recherche est d’une importance cruciale en termes de souveraineté nationale et d’image sur le plan international. Continent le plus touché par la pandémie, sa forte implication pour faire partie de la solution à cette crise ne peut que donner un peu de baume au cœur à ces populations particulièrement impactées ces dernières semaines.
Finalement, le continent apparaît plus soudé que jamais pour faire face aux nombreux défis sanitaires de cette pandémie : en plus de projets de recherche transnationaux comme celui entre l’Argentine et le Mexique, tous les pays participant au développement de vaccin prévoient un plan de distribution sur tout le continent latino-américain. De plus, le Mexique, l’Argentine et le Brésil sont tous trois signataires de l’accord international COVAX, qui permet à 90 pays à faible revenu de bénéficier de dons de vaccins à travers l’Alliance pour les vaccins.
Romain DROOG