Quatre générations de femmes victimes de quelques détraquements mentaux pas trop graves et même sympathiques la plupart du temps, et une question récurrente : comment expliquer cette folie à répétition ? La Vénézuelienne María Eugenia Mayorbe propose une réponse possible, avec la présence du seul représentant mâle de l’espèce humaine dans le roman ; poète de surcroit. Ce premier roman, on l’aura compris, est tout sauf un drame.
Photo : Editions NIL
Dans un pays sud-américain jamais nommé, se trouve un village, port de pêche, et une famille dans laquelle les hommes ne sont que des figurants : la petite fille ne connaîtra jamais le prénom de son arrière-grand-père et encore moins comment il est mort, tout cela est tombé dans l’oubli.
La narratrice, timide Primitiva jusqu’à ses huit ans, Mulatona, qui ne s’en laisse pas compter ensuite, remonte à 1939, année de la naissance du Poète, pour trouver un début d’explication à cette espèce de malédiction qui pèse sur toutes les femmes de la tribu : y aurait-il un rapport entre la folie récurrente et l’apparition en ce monde du petit garçon, fruit des amours éclairs d’une immigrante italienne et d’un jeune marin qui disparaît aussitôt sur son navire, retour vers l’Italie ?
Ainsi commence cette saga, quatre générations et un cadre latino-américain sans plus de précision. Le XXe siècle, des années 40 jusqu’à 2009, est le cadre de beaucoup de changements dans les mentalités surtout. Mais María Eugenia Mayorbe reste d’une grande sobriété dans ses descriptions de la condition féminine. Les rares hommes sont bien des machos, ceux qui ne le sont pas disparaissent immédiatement du décor, tout simplement parce que la société est ainsi faite, les femmes se risquent à de timides écarts par rapport à la morale imposée, l’auteure ne semble pas prendre ombrage des excès virils et de l’acceptation féminine générale et le triangle amoureux qui finit tout de même par arriver, ne devrait guère choquer. On apprendra même que « la cuisine et le ménage peuvent être amusants » et que « se lamenter sur son sort n’apporte rien de bon » (on est bien au début du XXIe siècle !).
Cela n’empêche pas pour autant La morsure de la goyave d’être un récit agréable, qui se lit sans cahots, optimiste et souriant, mérite à souligner au milieu du pessimisme ambiant.
Christian ROINAT
La morsure de la goyave de María Eugenia Mayorbe, traduit de l’espagnol (Venezuela) par Margot Nguyen Béraud, éd. NiL, 246 p., 20 €.