Dans cette troisième semaine de juin, début de l’hiver austral, la crise sanitaire au Chili est à un point critique par le nombre de décès et la propagation rapide de la Covid 19. De nombreuses voix se lèvent pour dénoncer l’absence de transparence des autorités sur les chiffres et la mauvaise gestion sanitaire et sociale de la crise.
Photo : Ciper
Les représentants du secteur de la santé, des parlementaires membres des commissions de la santé du Parlement et les président des partis politiques d’opposition ont adressé la semaine passée une lettre au nouveau ministre de la Santé, Enrique Paris, pour exiger un changement de stratégie de la gestion de la crise sanitaire. « Crise sanitaire qui se trouve à un point extrêmement délicat ». Dans leur lettre, ils dénoncent « l’absence de participation et de transparence, le refus d’une collaboration réelle et efficace de la communauté scientifique et sanitaire, l’irresponsable politique d’immunité naturelle généralisée, l’absence d’attention primaire et de traçage et de confinement effectif afin de stopper la propagation du virus ».
Au total, le nombre de personnes ayant contracté la Covid-19 s’élève à 235 748. Le chef du département d’épidémiologie du ministère de la Santé, Rafael Araos, a annoncé le chiffre de 3 069 nouveaux décès dus à la COVID-19, ce samedi passé. Chiffre qui s’ajoute aux 4 295 cas existants, ce qui ramène le nombre de décès a 7 364, pour une population d’environ 17 millions habitants.
Selon le site indépendant CIPER, les registres du nombre de décès décrivent les inégalités profondes de la société chilienne : le nombre de décès dans les hôpitaux publics est très supérieur à celui des cliniques privées. Par exemple l’hôpital Padre Hurtado, près de la capitale, enregistre un taux de mortalité Covid-19 de 25 % alors que celui de la clinique Las Condes est de 5 %.
L’explosion sociale d’octobre 2019 avait mis à nu la cruelle réalité chilienne : les inégalités criantes, le manque d’accès aux services et aux droits de première nécessité, les conséquences d’une santé privatisée et à deux vitesses, les bas salaires, l’absence de politiques publiques pour pallier les carences des secteurs défavorisés et cela depuis des décennies. C’est dans ce contexte qu’est arrivé le choc de la crise sanitaire provoqué par la Covid-19.
Le coronavirus a entraîné une aggravation de cette grave crise sociale et économique et des projections comparables à la crise sociale de 1982 pendant la dictature militaire lors de l’instauration du modèle ultra-libéral se profilent. Il faut voir ce que les familles vivent chaque jour face à des politiques gouvernementales minimalistes et peu efficaces : distribution de cartons d’alimentation et des bons pour l’acquisition de produits de première nécessité, dénoncés par les organisations sociales.
Le FMI a approuvé un prêt à un taux très avantageux pour le Chili, comme pour les pays riches donc les organisations de la société civile considèrent impérative la mise en place rapide d’un salaire minimum d’urgence pour les secteurs les moins favorisés et une aide aux petites et moyennes entreprises. Pour stopper la Covid et le virus de l’inégalité sociale, « il faudrait ouvrir les yeux et agir avec plus d’empathie et d’humanité ! L’économie est la science sociale qui doit veiller pour le bien-être et la qualité de la vie des personnes ! » dit la lettre.
Au milieu de cette crise, le président Sebastián Piñera a annoncé un ensemble de mesures destinées à combattre le narcotrafic qui a augmenté pendant la pandémie. En effet, le commerce de stupéfiants s’est fortement développé, mais également la pénétration de ces réseaux dans le tissu social. L’absence et la lenteur protectrice de L’État pour répondre aux besoins des Chiliens les plus vulnérables dans certaines régions du pays, fait que ces réseaux se substituent à l’État, générant des revenus pour ces familles.
Entre octobre 2019 et juin 2020, les Chiliens ont vécu une crise après l’autre : crise sociale, économique et sanitaire. Ces crises ont donné une visibilité aux inégalités criantes et à la précarité de nombreux Chiliens et ont provoqué une prise de conscience de la nécessité d’une rupture avec le modèle économique et sociale. Ainsi, la rapide propagation du coronavirus a mis encore plus en évidence l’absence d’une politique d’État plus solidaire affecte la santé, les relations sociales et les opportunités pour le plus grand nombre et in fine le droit à l’égalité et à la dignité.
Olga BARRY