Retour sur la première année au pouvoir du président salvadorien Nayib Bukele

Le 1er juin 2019, Nayib Bukele prenait ses fonctions de nouveau président du Salvador. Quatre mois plus tard, sa victoire historique aux élections avait réussi à rompre avec le système bipartite traditionnel qui existait dans le pays depuis la fin de la guerre civile, soit depuis trente ans. Mais au terme de sa première année de mandat, le bilan est aujourd’hui partagé. 

Photo : Revue Conflit

Jeune homme d’affaires, Nayib Bukele s’est imposé lors des dernières élections comme symbole du renouveau politique, promettant un changement radical dans la gestion du pays à une population fatiguée de la pauvreté et de la violence. Douze mois plus tard, il continue à bénéficier du soutien massif de la population salvadorienne mais est également confronté à de sévères critiques pour certaines de ses décisions, en particulier de la part des organismes internationaux et des droits de l’homme. 

Les controverses pour lesquelles Bukele a reçu de sévères critiques internationales contrastent avec le soutien majoritaire de la population salvadorienne. Ces critiques sont notamment dues à ses confrontations publiques avec le parlement et la Cour suprême et à ses mesures drastiques face à la pandémie de coronavirus. Certains accusent le président d’autoritarisme et de vouloir accumuler trop de pouvoir au point de mettre en danger la jeune et fragile démocratie du pays. 

En février dernier, le président salvadorien est entré à l’Assemblée législative accompagné de militaires. Avec cette démonstration de force, populairement connue sous le nom de Bukelazo, il avait l’intention de faire pression sur le Parlement (où son parti n’est pas représenté) pour qu’il approuve le financement de la prochaine phase de son plan de sécurité. « N’obtenant pas la réponse qu’il souhaitait, il a fait irruption dans l’Assemblée avec du personnel militaire. Si ce n’est pas autoritaire, je ne sais pas ce qui pourrait l’être », déclare Elisa Ortega Velázquez, chercheuse à l’Institut de recherche juridique de l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM). L’entrée des militaires au parlement du Salvador en février a provoqué une crise institutionnelle majeure. Depuis lors, les affrontements publics entre Bukele et le Parlement ont été plus que fréquents.  

Mais les dérives autoritaires de Bukele ne s’arrêtent pas là. Dans le cadre d’une des réponses les plus strictes au coronavirus dans la région, la police et l’armée salvadoriennes ont arrêté des milliers de personnes dès le début de la pandémie pour avoir brisé la quarantaine domestique et les ont enfermées dans des centres de confinement. Beaucoup ont signalé des conditions insalubres dans certaines de ces installations et ont affirmé y avoir passé plus de semaines qu’ils n’auraient dû ou même avoir été infectés par la Covid-19 dans ces établissements. Jugeant ces mesures inconstitutionnelles, la Cour suprême a rendu un arrêté ordonnant que ces détentions « arbitraires » cessent : la première réponse de Bukele a été de tweeter qu’il n’avait pas l’intention de se conformer à leur demande. 

Bukele a également profité de la quarantaine imposée par le virus pour renforcer sa politique de « tolérance zéro » envers les gangs (maras), autorisant la police à utiliser la « force létale » pour s’attaquer aux pandilleros. Le niveau de violence atteint ces dernières semaines (un meurtre par heure le 26 avril) a poussé le président à répliquer en relayant sur les réseaux sociaux, à l’aide du vice-ministre de la Justice Osiris Luna Meza, des images des humiliations infligées aux quelque douze mille maras emprisonnés dans le pays. Bukele s’est ainsi félicité d’enfermer dans les mêmes cellules des membres de gangs adverses pour limiter leur capacité à planifier leurs actions à l’extérieur. Dans ce pays régulièrement cité comme l’un des plus violents au monde, (62 homicides pour 100 000 habitants en 2019) les positions fermes de Bukele contre les gangs et ses démonstrations de force lui garantissent une forte popularité auprès de la population. Reste à savoir si les voix des opposants qui continuent à s’élever contre l’autoritarisme du jeune président pourront se faire entendre dans les prochains mois.   

Samedi 6 juin dernier, après soixante-dix jours de confinement dans le pays, l’École supérieure d’économie et de commerce du Salvador (ESEN) a demandé au président Nayib Bukele de communiquer « dès que possible » le plan de déconfinement de l’économie après la suspension des activités dans différents secteurs due à la pandémie de COVID-19. Le jeudi précédent cette annonce, Bukele avait annoncé la mise en place d’une table de discussion sur le sujet à laquelle participeraient des techniciens, des scientifiques et des hommes d’affaires, mais aucun détail n’a été fourni jusqu’à présent. « Plusieurs jours se sont déjà écoulés et le gouvernement n’a pas encore fait de déclaration claire sur la manière dont le processus de déconfinement aura lieu et sur la date à laquelle il aura lieu », a insisté l’ESEN.

Anouk VINCI