La crise économique mondiale engendrée par la pandémie du COVID-19 est souvent comparée par son ampleur à la situation de l’après-Seconde Guerre mondiale où les économies étaient à reconstruire. C’est dans une situation de « Grand confinement » affectant plus de la moitié de l’humanité et l’économie mondiale que la Colombie rejoint l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), forum économique permanent créé en 1948 dans une période de reconstruction.
Photo : OCDE
Depuis le 28 avril dernier la Colombie a intégré de plein droit l’OCDE après un processus d’adhésion commencé en 2013. Elle devient ainsi le 37e pays membre de l’institution et le troisième pays d’Amérique latine à en faire partie, après le Mexique (1994) et le Chili (2010). Cet ensemble de trente-sept pays représente plus de 70 % du commerce mondial. L’OCDE a été créée après la Seconde Guerre mondiale, au moment où devaient être reconstruites les économies européennes. En 1961, elle a succédé à l’Organisation européenne de coopération économique (OECE) qui a existé de 1948 à 1960. L’examen des politiques économiques, fiscales, sociales et les politiques de coopération et de commerce sont au cœur de la mission de l’OCDE qui a un pouvoir consultatif mais fabrique des « normes » auxquelles les pays membres s’efforcent de se conformer.
Le Secrétaire général de l’OCDE, le Mexicain Angel Gurría, a annoncé l’adhésion de la Colombie par ces mots : « L’adhésion de la Colombie est la preuve tangible de notre engagement à réunir les pays qui s’efforcent d’atteindre les plus hauts standards mondiaux en matière de politiques publiques pour améliorer le bien-être et la qualité de vie de leurs citoyens » (El Tiempo, Bogotá, 28 avril).
Une base de données fiable
Cette mise en avant des citoyens et de leur bien-être n’est pas habituelle pour une organisation où le discours dominant reste très technocratique. Il est vrai qu’elle s’occupe de politiques économiques et de fiscalité au langage très codifié. Les glossaires établis par l’OCDE sont précieux pour expliciter les chiffres qui sont au cœur des travaux de l’OCDE. Mais il n’y a pas de chiffres sans concepts et sans interprétations et les analyses et recommandations de l’organisation sont clairement inspirées par une orientation libérale où le mot-clé est le marché bien que la démocratie soit aussi un critère retenu pour rejoindre le forum duquel ne font pas partie la Chine et la Russie. Cela dit l’OCDE est l’une des sources de données comparées parmi les plus importantes et les plus fiables au monde, notamment en matière d’indicateurs économiques, d’éducation, de santé, d’aide publique au développement. Pour un travail comparatif, gouvernements, syndicats, ONG internationales, universitaires et médias se fient à ces données. Grâce à elles les pays membres peuvent comparer leurs expériences en matière d’action publique. Mais les citoyens peuvent aussi y trouver de quoi argumenter et dénoncer, à partir des données fournies, les écarts des politiques menées au regard des normes et recommandations que les pays membres sont censés approcher. Sur les taxations des transactions financières, sur la lutte contre la corruption, l’OCDE est en pointe. Elle a créé en 1996 la Convention de l’OCDE contre la corruption, qui a été adoptée en 1997. Un groupe multidisciplinaire sur la corruption (GMC) a été mis en place dans ce but.
À cet égard, la Colombie se voit « recommander » des actions dont on voit bien qu’elles visent à combattre des fractures majeures où la corruption politique et économique tient une place importante. L’étude économique de l’OCDE sur la Colombie d’octobre 2019 ne semble pas complaisante. Deux recommandations pointent le problème de la corruption : « Réglementer le financement des partis politiques et des campagnes électorales » et « renforcer les services fiscaux et les transactions en espèces. »
On attend de connaître les analyses de l’OCDE sur les défis colossaux qui seront à relever au lendemain de la pandémie du Coronavirus et les moyens de les financer : santé, éducation, emplois de qualité, inégalités, environnement… Beaucoup de ces maux et de ces biens essentiels nécessitent une coopération et des normes internationales et l’OCDE est une plateforme où il sera intéressant d’observer les analyses et les convergences des grands acteurs dans l’économie mondiale de demain. Le prochain pays d’Amérique latine et des Caraïbes membre de l’OCDE sera le Costa Rica : il est aujourd’hui dans les dernières étapes du processus d’adhésion.
Maurice NAHORY