Les 5 500 salles de cinémas (2 200 établissements) sont fermées depuis le 15 mars, et personne ne sait aujourd’hui quand elles pourront reprendre. La Chine a rouvert le 25 mars cinq cents salles présentant les films chinois de l’an passé à des tarifs bas et dans des conditions très strictes. Elles ont refermé leurs portes deux jours plus tard faute de spectateurs. Les films sortis le 14 mars seront en principe reprogrammés après la crise sanitaire. D’autres films, notamment ceux qui devaient sortir fin mars ou fin avril, sortiront directement en vidéo à la demande (VoD).
Photo : La Croix
On se dirigerait alors vers un système à deux vitesses, les gros films, attendant la reprise, et les films moins porteurs (dont les films latinos) directement sur Internet. Avec 18 nouveaux films projetés par semaine, c’est plus de 70 films par mois qui ne seraient pas en salles. Cependant, les spectateurs attendent la réouverture des salles. L’agence Vertigo parle d’une »appétence pour le cinéma en salles particulièrement forte » chez les « habitués cinéma » (69,3 % pour les assidus et 71,8 % pour les réguliers contre 39,6 % pour les occasionnels).
La crise du COVID-19 donne un indéniable nouvel élan à certaines collaborations qui maintiennent le lien entre les salles et leurs spectateurs.
Une initiative intéressante est celle de la-toile-vod.com : lancée en 2007, cette plateforme propose 5 films pour 20 euros. Outre la simplicité et la rapidité de la mise en place de la page VoD associée au cinéma partenaire : la programmation en ligne bénéficie de l’expertise et de la force de prescription des exploitants. La recette est partagée en trois entre le site, le distributeur et la salle partenaire (elles sont déjà plus de 100 !). Il existe d’autres sites intéressants comme universcine.com (avec 300 films à 0,99 euros) ou encore lacinetek.com, un site où les cinéastes proposent leurs films préférés.
De son côté, notre ami vénézuélien Atahualpa Lichy met en ligne gratuitement en avril son très beau documentaire Le mystère des lagunes. Fragments andins avec sous-titres en français (https://vimeo.com/182328861). Sur Netflix, vous pouvez retrouver Roma de Cuarón, The Irishman de Scorsese ainsi que des films mexicains qui ne sortiront jamais en France.
Si vous n’avez pas accès aux plateformes VoD ou si vous avez épuisé leurs catalogues, vous pouvez toujours trouver de très bons films sans souscrire à aucune offre. Il faudra cependant laisser un peu le hasard vous guider dans vos recherches : de belles découvertes garanties !
OPEN CULTURE dresse la liste de 1 150 films à visionner gratuitement (classiques, films indépendants, documentaires), y figurent notamment des films de Alfred Hitchock. INTÉRIEUR COURT. Le festival de Clermont-Ferrand (clermont-filmfest.org) propose également 6 courts métrages réalisés par les étudiants d’ArtFX (l’école d’animation, des métiers du cinéma d’animation, des effets spéciaux et du jeu vidéo située à Montpellier) mais aussi, deux fois par semaine (le jeudi et le dimanche à 18 h sans limitation de place), des séances live . La revue Bref du court-métrage propose quelques pépites sur brefcinema.com.
INTERNET ARCHIVE. Sur Internet (archive.org), on trouve beaucoup de films de Charlie Chaplin, des classiques, des films muets en noir et blanc mais aussi des films de science-fiction comme End Of The World de John Hayes avec Christopher Lee ou encore de vieux téléfilms comme The boy in the plastic bubble de Randal Kleiser avec John Travolta. Cependant, peu de films sont sous-titrés en français. De nombreux spectacles filmés sont disponibles sur leurs sites : Festival de Montreux, Festival de Vienne, Metropolitan Opera etc. Enfin, l’INA, sur sa nouvelle plateforme madelen.ina.fr, propose un catalogue immense d’émissions de TV françaises, gratuit pendant trois mois : revoir les engueulades sur le plateau de Droit de réponse de Michel Polac, c’est toujours un plaisir !
Tous les festivals depuis la mi-mars et jusqu’en mai ont pour le moment été supprimés. L’angoisse du moment est donc de savoir quels festivals pourront avoir lieu et quand. Certains ont eu lieu sur Internet : Cinéma du réel (13-22 mars) propose de nombreux films sur la plateforme tenk.fr du festival de Lussas (6 euros par mois) en partie publié par Mediapart et le festival suisse Vision du réel (24 avril-2 mai) fera de même sur son site (visionsdureel.ch).
Le Festival de Cannes, qui reçoit 200 000 spectateurs et 40 000 professionnels chaque année, devait avoir lieu du 12 au 23 mai. Il est pour l’instant reprogrammé fin juin-début juillet. Cependant, cette date paraît de plus en plus improbable. Thierry Frémaux, le délégué général, précise qu’il ne conçoit pas, en cas d’annulation, une conversion numérique. « Un festival comme Cannes est précisément un lieu où on se retrouve physiquement dans une salle avec les artistes, les professionnels et la critique. » Avec la pandémie, il est peu vraisemblable que les Chinois ou les Américains puissent faire le voyage à Cannes dès fin juin. Nous en saurons sans doute plus dans quelques jours.
Le distributeur de Parasite, palme d’Or l’an passé, estime qu’avec la Palme d’Or il a pu faire quatre fois plus d’entrées en France que s’il avait eu le Lion d’Or à Venise. « J’ai un film, dit le producteur Saïd Ben Saïd, qui a pris trois ans de ma vie, (Benedetta de Paul Verhoeven avec Virginie Efira confinée dans un couvent) et pour lequel Cannes, sur le plan de la reconnaissance artistique et de la vente du film à l’étranger, est la meilleure rampe de lancement imaginable, s’il fallait hélas recourir à une solution alternative, telle qu’un festival numérique, je préférerais, je vous l’avoue, qu’on annule la manifestation. Cannes est le plus grand festival de cinéma, il n’aurait aucun intérêt à se dévaloriser. Cela dit, ce serait une catastrophe pour nous, car il y aurait de fortes probabilités que Toronto, l’alternative en termes de marché, prévu en septembre, soit à son tour victime de la phase aiguë de la pandémie. »
Les festivals FID Marseille et La Rochelle, tous deux prévus début juillet, sont dans l’attente, tout comme Locarno en août, avec ses séances en plein air. La Mostra de Venise (prévue du 2 au 12 septembre), San Sebastián (fin septembre) et Biarritz (début octobre) continuent leur préparation. En attendant d’en savoir plus, bon visionnage sur Internet ou sur vos DVD !
Alain LIATARD