« Le corona-scepticisme » vient renouveler le bagage idéologique des leaders évangéliques, aux USA comme au Brésil. Jair Bolsonaro est l’unique leader en perte de popularité durant cette crise sanitaire sans précédent qui pourrait bientôt tourner en crise politique.
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Silas Malafaia, leader de l’Assemblée Victoire dans le Christ, une des plus importantes églises évangéliques du Brésil et Edir Macedo, chef de l’église universelle du Royaume de Dieu, disent croire au « pouvoir de la prière » en des rassemblements massifs qui vont à l’encontre de toute mesure préconisée par les spécialistes des épidémies, dans un consensus sans faille. Le lobby parlementaire évangélique qui représente 195 élus et 38 % de la chambre basse pousse aussi le président Jair Bolsonaro à maintenir ouvertes les églises. Le désespoir pourrait étendre leurs parts de marché et la vente de promesses.
Pourtant, les gouverneurs et les maires des grandes métropoles, la justice et d’autres pasteurs luttent contre cet irrationalisme et cette irresponsabilité qui pourrait être criminelle. Cette fracture est de bon augure. Elle vient installer une démarcation entre les évangéliques fondamentalistes, antiscience et ultraconservateurs et des Brésiliens portés à écouter les scientifiques, les médecins, les anthropologues et des leaders politiques responsables.
Bolsonaro qui doit son élection aux ralliements des lobbies évangéliques a publié le 25 mars un décret mettant les offices religieux dans la liste des biens essentiels au même titre que le pain et les jeux de hasard. Le décret a été suspendu par un juge du Tribunal suprême. Le journal Le Monde, dans son édition du 4 avril, rapporte que le gouvernement va faire appel. Le système fédéral, l’État de droit et les alliances idéologiques et institutionnelles sont mis à rude épreuve dans cette crise.
Jair Bolsonaro est même lâché par ses alliés. On a pu voir le voir dans des rues de Brasilia à la rencontre de vendeurs de rue devant des groupes agglutinés. Les Brésiliens, dont près des deux tiers resteraient chez eux selon un sondage, semblent écouter plutôt leurs gouverneurs. « Ne suivez pas les conseils du président », a déclaré lundi Joao Doria, celui de l’État de Sao Paulo, à l’adresse de ses 44 millions d’administrés. Au 2 avril 2020, vingt-quatre des vingt-sept États du pays, représentant plus de 200 des 210 millions d’habitants, ont restreint les déplacements et imposé la distanciation physique.
Le gouverneur de droite de Rio de Janeiro, Wilson Witzel a refusé d’assouplir le confinement et l’a même prolongé de deux semaines. La désinvolture du chef de l’État pourrait le conduire à la destitution et devant la Cour pénale internationale, a-t-il laissé entendre. Dans les grandes villes de nombreux pays, des applaudissements pour remercier les personnes concourant aux soins et aux services de première nécessité se font entendre. Au Brésil, des concerts de casseroles contre le président résonnent tous les soirs aux cris de « Bolsonaro fora ! » (Bolsonaro dehors !).
Le président du Brésil serait, selon la Folha de Sao Paulo de 4 avril dernier, l’unique leader en perte de popularité durant cette crise sanitaire sans précédent. Cette crise pourrait bientôt tourner en crise politique, économique et sociale majeure car la pandémie va révéler les carences du système de santé et les inégalités abyssales de la population face aux risques.
Maurice NAHORY