La 73e édition du Festival de Cannes n’a pas eu lieu en mai comme prévu en raison de l’expansion du Covid-19. Le film Perro Bomba du réalisateur chilien que nous avons déjà présenté ici en avril dernier, est depuis le 1er juin visionnable en ligne.
Photo : Allociné
Pour Steevens, la vie est simple voire ennuyeuse, jusqu’à l’arrivée de son ami d’enfance, Junior, qui lui ramène un peu de gaieté. Mais la perte de son travail suite à une altercation avec son patron est le début d’une descente aux enfers pour le jeune homme. « Perro Bomba, déclare Juan Cáceres, est le fruit de la collaboration et du travail d’une équipe désireuse d’apporter de la matière au débat national autour des vagues migratoires (au Chili). On a tellement débattu sur le sujet de la migration qu’il a fini par en perdre sa dimension humaine. Ainsi, nous avons choisi un traitement cinématographique et esthétique atypique, fondé sur la collaboration créative entre l’équipe technique, les acteurs et les communautés représentées. Le but ? Offrir au spectateur un film qui saura le toucher, l’amuser mais également le bousculer.”
Pour le réalisateur, l’enjeu principal consiste à apporter une nouvelle perspective autour des migrants et de leur place sur la scène politique. On parle notamment de l’arrivée en masse des migrants venus d’Haïti depuis 2016, allant jusqu’à 105 000 Haïtiens entrés sur le territoire chilien en 2017. Perro Bomba a pour but de faire parler ces migrants, montrer leur présence dans les rues chiliennes, malgré une société favorable au contrôle des frontières. En 2018, un visa spécial a été mis en place, autorisant 10 000 permis de résidence à donner par année aux Haïtiens ayant un proche au Chili. Générant des stigmates sociaux sur les Haïtiens vivant au Chili, ces évènements ont marqué le pays, et Perro Bomba cherche à dépeindre ces réalités.
C’est toute la question que pose Juan Cáceres dans son film : « Que va-t-on faire de Steevens, ce jeune migrant haïtien qui arrive dans ce pays avec des rêves plein la tête mais qui, en raison de sa naïveté et du racisme ambiant, finira cerné de désillusions et obligé de se réfugier dans la marginalité ?” La question s’élargit à toute la population haïtienne qui se trouve dans la même situation. Selon le réalisateur, Perro Bomba, c’est une expression vraiment locale et spécifique, qui ne fait pas automatiquement référence à un « chien explosif ». Il ajoute : « J’ai entendu cette formule lors d’un atelier de cinéma réalisé dans un centre de SENAME (une institution au Chili, entre la prison et l’orphelinat). On utilisait le mot « perro » pour désigner un adolescent en état de soumission par rapport à ses camarades. Et donc ce « chien » venait à se transformer en « chien bombe » lorsqu’il était obligé de faire des choses risquées ». L’utilisation de cette expression comme titre du film avait pour but de faire une métaphore de la relation entre le gouvernement chilien et les immigrés, soumis, souvent exploités, considérés comme la cause de nombreux problèmes, quand bon nombre des problèmes de société étaient antérieurs à leur arrivée.
Le film a été largement improvisé et sans scénario. Il mêle des comédiens amateurs comme Steevens Benjamin, et des professionnels comme Alfredo Castro qui joue le rôle du patron à la fois paternaliste avec ses ouvriers mais aussi raciste. Le film a été réalisé de manière complètement indépendante avec un petit budget par un réalisateur né en 1990 dont c’est le premier long métrage.
Alain LIATARD
D’après Allociné.
Perro Bomba réalisé par Juan Cáceres ; langue : espagnol ; 1 h 20 min ; sortie en France le 25 mars 2020.