Un hameau perdu au bout de tout, près d’un grand fleuve qui donne le rythme de la vie des habitants, et parmi eux, un garçon de sept ans qui découvre la vie. On est en Uruguay, près de la frontière brésilienne. Ce joli roman, le premier de son auteur, reflète avec un grand sens de l’humain la vie de chaque jour dans ce coin ignoré de tous.
Photo : éd. Yovana
L’ambiance ressemble beaucoup à celle de plusieurs récits de Horacio Quiroga qui se situent dans le même coin reculé, tout au bout de l’Uruguay, près de la frontière avec le Brésil et l’Argentine. La vie est rude dans ces lieux désolés, le père du jeune narrateur travaille dans des conditions épouvantables : il assemble des tuyaux destinés à l’irrigation, à une profondeur de plusieurs mètres. Grâce à ses capacités exceptionnelles (il peut tenir cinq minutes en apnée), il est devenu une sorte de vedette dans la région, mais une vedette qui à tout moment risque sa santé et même sa vie, une vedette qui termine ses journées couvert d’une boue malsaine, puante.
On n’est pas tendre dans le village près du fleuve, la vie n’est pas tendre, cela ne choque personne si une vieille voisine grincheuse demande à des garçons de sept ans d’aller jeter une portée de chiots dans le fleuve boueux. Méchant garçon, gentil garçon, notre guide, à travers cette région à cheval entre les trois pays, peut être déchaîné, tendre ou justicier. Il est bien seul ; son copain blondinet quitte la région pour suivre sa famille, son chien meurt, et c’est le fantôme de son grand-père qui intervient quand l’enfant a besoin de soutien et de consolation.
L’amour, l’amitié existent pourtant dans ce monde sans pitié, la dureté des uns n’est que l’effet de la dureté des choses, elle fait place parfois à des éclats d’humanité, tout comme le réalisme des descriptions fait souvent place à des éclats de poésie. La famille est bien le centre de la vie du jeune garçon, la tendresse de la mère, fatiguée par l’abondance des tâches, la rudesse du père, les sentiments en général sont forcément ponctuels, contradictoires, chacun est soumis à tout ce qui lui est imposé, qu’il doit bien finir par accepter. Et puis, réconfort éternel de l’enfant, il y a l’arbre dans lequel il grimpe quand tout va mal, l’arbre au nom prédestiné, le paraíso.
Christian ROINAT
L’enfant du fleuve de Luis Do Santos, traduit de l’espagnol (Uruguay) par Antoine Barral, éd. Yovana, Castelnau-le-Lez, 110 p., 15 €. Luis Do Santos en espagnol : El zambullidor ed. Fin de Siglo, Mointevideo.