Que sea ley est le premier documentaire de Juan Solanas, fils du sénateur et cinéaste Fernando Pino Solanas. Présenté en séance spéciale, c’était le seul film qui représentait l’Argentine cette année au Festival de Cannes. Son but : défendre les droits des femmes à pouvoir décider de leurs corps. Il a filmé seul pendant près de neuf mois, et a parcouru quatre mille kilomètres en voiture en passant par Jujuy, Santiago del Estero, Tucumán, Córdoba et d’autres provinces. « Je voulais montrer la réalité du droit des femmes » affirme-t-il.
Photo : Allo Ciné
La création de Femmes d’Argentine veut avant tout dénoncer la réalité. En effet, en Argentine, chaque semaine au moins une femme meurt des suites d’un avortement illégal. Dans l’ensemble des pays d’Amérique latine, cela correspond à plus d’une femme par jour. En 2018, l’Argentine se trouvait dans une situation tendue, puisque 36 % de la population et 48 % des personnes mineures vivaient sous le seuil de pauvreté. Dans ce contexte, un collectif de femmes en faveur de la légalisation de l’avortement a présenté un projet de loi pour la septième fois. Un groupe composé de membres de divers partis politiques s’est alors formé à la Chambre des députés pour soutenir ce projet de loi. Suite à un long débat de 24 heures, le projet est passé et a pu être envoyé au Sénat.
Voici comment Juan Solanas présente son film : « Le droit à l’avortement est un sujet très controversé en Argentine, où l’influence de l’Église demeure très forte. C’est un débat qui divise littéralement le pays en deux sans tenir compte de la classe sociale ou du bord politique. Femmes d’Argentine dresse un portrait des femmes qui se battent pour ces droits fondamentaux et pose aussi la question de la place du féminisme et des Argentines dans un pays sur le déclin. »
Il a eu l’idée du film le matin où la Chambre des députés a approuvé le projet de loi. Trois jours plus tard, alors qu’il attendait que le Sénat rende son verdict, il a filmé les premières images des rues de Buenos Aires en se donnant deux principes directeurs.
« D’abord, affronter la réalité de front, ne pas intervenir mais enregistrer crûment et instinctivement tout ce qui pouvait passer devant la caméra. Ne jamais rien forcer, la caméra devant être une fenêtre à travers laquelle les participants puissent dire la vérité. Et surtout, ne pas faire un tract ou un pamphlet, dire la vérité, rien que la vérité, mais aussi, et c’est capital, ne pas faire une caricature de la partie adverse.
De ce premier principe vint le second : adopter la méthode la plus simple pour capter la réalité tout en l’altérant le moins possible, une équipe d’une seule personne. Cela m’a permis d’offrir aux personnes que je filmais une intimité qui leur donnait l’opportunité de dialoguer pleinement avec la caméra. Les rencontres étaient organisées en une heure ou en quelques jours et je devais alors me jeter dans un taxi avec l’équipement que je pouvais porter : un sac à dos, un trépied et de l’éclairage fonctionnant sur batterie. »
Cette approche brute et sur le vif l’obligeait à s’adapter complètement à tout ce qui pouvait se passer, à filmer dans l’urgence, ce qui reflétait la réalité, puisque chaque semaine une femme mourait des suites d’un avortement clandestin. Le nouveau président argentin a déclaré qu’il était pour une nouvelle loi. Tout dépendra de la prochaine composition du Sénat.
Alain LIATARD
avec Allo Ciné
Femmes d’Argentine (Que sea ley) : 1 h 26 min. Réalisé par Juan Solanas. Sortie le 11 mars 2020.