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En tournée dans le Vieux continent depuis une semaine, le Président intérimaire du Venezuela a rencontré plusieurs chefs d’État de l’Union européenne. De Madrid à Londres, en passant par Bruxelles, Davos et Paris, Juan Guaidó a demandé une aide urgente pour aller vers une sortie à la crise vénézuélienne avant les élections législatives annoncées par « le dictateur » Maduro.
Conscient qu’il ne peut prétendre à résoudre la crise institutionnelle qui frappe son pays depuis des années, Juan Guaidó est déterminé à plaider pour le développement d’une coopération internationale accrue. À l’occasion de son bilan d’un an de président à charge, il a déclaré depuis Bruxelles que la détermination du peuple reste intacte et que l’Europe peut agir en faveur de son projet de reconstitution nationale. « Seuls, nous n’y arriverons pas », a-t-il affirmé jeudi 23 au Forum économique mondial de Davos.
Voici l’essentiel de son discours centré sur l’image de Nicolás Maduro : « Si la lutte au Venezuela est ancienne, la dictature elle aussi vient de loin, elle ne s’est pas imposée en un jour. Malheureusement, la violation systématique des droits de l’Homme, la confiscation graduelle du pouvoir, le démantèlement de l’État de droit ont des conséquences très graves dans notre pays et dans toute l’Amérique latine ».
Avec ces mots, Juan Guaidó se réfère à la crise migratoire vers les pays de la région qui peinent à intégrer les nouveaux arrivants, mais aussi à l’urgence humanitaire aggravée par le manque de soins médicaux. D’après les estimations de l’ONU, 4,6 millions de Vénézueliens ont quitté leur pays depuis 2015. Au sujet des prochaines élections qui ont lieu cette année, Guaidó a chargé contre son rival : « Ils sont très peu à soutenir le dictateur [Maduro], c’est sûr, il ne pourrait pas se faire réélire président aujourd’hui. Il agit comme un dictateur, il a usurpé ses fonctions, il viole les droits de l’Homme, il emprisonne, il torture et il persécute. »
Le symbole de la crise politique que le Venezuela est en train de vivre, selon Guaidó, c’est ce qui s’est passé le 5 janvier à Caracas : les militaires ont investi le Parlement pour empêcher les députés de l’opposition d’entrer mais, après une confrontation musclée, les parlementaires sont parvenus à faire céder les portes. À la suite de cet incident digne d’un pays au bord de la rupture institutionnelle, une centaine de députés de l’opposition se sont réunis au siège du journal El Nacional pour réélire Guaidó à la tête de l’Assemblée législative et ratifier sa présidence par intérim du Venezuela.
Rappelons qu’il y a un an, Juan Guaidó, ingénieur de 36 ans, s’est autoproclamé président provisoire du Venezuela, après son élection à la tête du Parlement, et a été reconnu comme tel par une cinquantaine de pays. Mais si son élection avait suscité beaucoup d’espoirs, sa popularité s’est effritée dans le courant de l’année : de 63 % en janvier à 38,9 % en décembre 2019, en conséquence des promesses non tenues et des affaires de corruption qui éclaboussent son entourage. Toutefois, l’Union européenne considère qu’il est le seul accrédité pour déclencher des élections libres au Venezuela.
Dès le début de son combat, Guaidó a tenté de renverser Maduro a plusieurs reprises, notamment en organisant des manifestations massives et incitant en même temps les militaires à se soulever. Mais l’opposition au régime en place n’a pas réussi à s’imposer et les forces armées sont restées loyales à Nicolás Maduro. Sur ce point, la journaliste Aude Mazque fait une constatation alarmante : « La garde rapprochée de [Maduro] n’a pas pris ses distances avec le pouvoir, car les généraux bénéficient de l’argent des trafics d’or, de drogue et de pétrole que le président leur laisse. Et ils ne semblent pas prêts à y renoncer. »
Devant cette réalité rongée par le vice et la corruption, on se demande comment la communauté internationale pourra apporter de l’aide au peuple vénézuélien. C’est la raison pour laquelle tout le monde s’accorde à dire que le bilan de la tournée de Guaidó reste mitigé, voire creux. Certes, il peut compter avec le soutien moral des dirigeants européens, mais aucun accord n’a été signé. Ainsi, après sa visite à l’Élysée, le 24 janvier, le président Emmanuel Macron a déclaré sur les réseaux sociaux que la rencontre avait été un «échange constructif » et que « la France soutient l’organisation rapide d’une élection présidentielle au Venezuela ».
Maduro, quant à lui, semble rester immuable sur son trône malgré la crise et le blocus étasunien. Il peut compter sur les exportations de pétrole vers ses alliés que sont la Chine, la Russie, l’Iran, la Turquie et Cuba. Un soutien déterminant qui explique l’incroyable pérennité de l’actuel président : le pétrole représente 96 % des recettes du pays. C’est la raison pour laquelle Washington aurait pris la décision de tempérer les sanctions économiques annoncées en janvier 2019.
En effet, après le départ de l’ancien conseiller à la sécurité John Bolton, qui prônait le blocus total, le département du Trésor vient d’autoriser certains organismes internationaux à faire des transactions avec la Banque centrale du Venezuela (BCV). Parmi eux figurent l’Unicef, ONU-Habitat, le Haut commissariat aux Réfugiés, l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture, le Programme alimentaire mondial, et d’autres associés à la Croix-Rouge et au Croissant-Rouge.
Or, si ces mesures laissent envisager une reprise de relations diplomatiques avec les États-Unis, pour un observateur attentif comme le sociologue Romain Migus, cette question est lourde d’inquiétude : « Certaines institutions financières, et ce n’est pas anodin, sont aussi autorisées : le FMI, la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement, la Corporation Andina de Fomento. Après avoir saccagé l’économie du pays, comme l’a révélé récemment le sénateur républicain de Virginie Richard Black, les États-Unis chercheraient-ils à pousser le Venezuela dans les griffes d’institutions financières qu’ils contrôlent ? » Tout porte à croire que la réponse se trouve désormais dans le camp de Donald Trump. Interrogé sur la situation vénézuélienne dans le cadre de sa participation au Forum économique de Davos, il a dit : « le Venezuela s’en sortira très bien, il suffit de regarder. »
Eduardo UGOLINI