Le 13 octobre, après onze jours de manifestations et de répressions sans précédents, signait la fin du mouvement populaire dans les rues de Quito. Le bilan est lourd : 8 morts (chiffre provisoire), 1300 blessés et plus de 1000 arrestations.
Photo : Open democracy
Le 2 octobre, le président équatorien Lenín Moreno annonça une série de mesures socio-économiques suivant les « conseils » du Fond Monétaire International qui, en échange, octroyait au gouvernement un prêt de 4200 millions de dollars. Une mesure en particulier a mis le feu aux poudres, le décret 883, visant à supprimer les subsides publics à l’essence. Le gouvernement se réfugie derrière l’argument de la forte contrebande de combustible mais cette mesure est jugée inacceptable pour les classes moyennes et populaires du pays andin, qui y voit la goutte faisant déborder le vase des inégalités.
S’en suit une mobilisation citoyenne inédite depuis plus de 15 ans dans les rues de Quito. Le mouvement, composé de syndicats, d’organisations étudiantes, féministes et paysannes, est mené par le CONAIE (Confédération de nations indigènes en Equateur). La réponse gouvernementale sera immédiate : Moreno déménage son administration à Guayaquil et instaure un couvre-feu national ainsi que l’état d’urgence, laissant aux forces armées la responsabilité d’endiguer le mouvement populaire. Ces mobilisations citoyennes sont largement diffusées sur les réseaux sociaux et les médias internationaux, en contraste avec la légère couverture médiatique nationale, orientant ses reportages sur les dégâts engendrés par les manifestations en y distillant une bonne dose de racisme. Quant au gouvernement Moreno, il tente de marginaliser immédiatement les évènements criant à une instrumentalisation politique de son principal opposant, Rafael Correa, visant à déstabiliser le pays.
Le dimanche 13 octobre, Lenín Moreno accepte de se réunir, de façon séparée, avec les dirigeants indigènes et les syndicalistes afin de trouver une sortie de crise. Le décret 883 est abrogé, maigre victoire pour un mouvement qui s’opposait à l’ensemble du « paquetazo » du FMI. Les coupes budgétaires, les privatisations ainsi que les mesures de « flexibilisation » du marché du travail ne seront, à aucun moment, remis en cause. Il aura fallu huit morts pour en arriver là.
Le gouvernement Moreno, soutenu par seulement 15% des votants, reste donc en place, une déception pour une grande partie de la population équatorienne. La clameur sociale est balisée à la simple question du combustible. Ce constat infantilise la mobilisation sociale de la population équatorienne qui lors de ces jours de lutte, s’est organisée afin de créer les fameux « corredores de paz » (couloirs de paix) pour évacuer et soigner ses victimes et où de nombreux débats furent mis sur pied par des assemblées citoyennes.
Les évènements survenus à Quito sont forcément à mettre en parallèle avec les images de ces derniers jours des manifestations au Chili et à Haïti, convoquées pour les mêmes raisons, liées au transport et au coût de la vie. À ces protestations sont apportées les mêmes réponses de la part des États : répression, état d’urgence et distillation de la peur. C’est un échec pour ces gouvernements qui n’arrivent pas à utiliser les institutions démocratiques (les décrets passés en Équateur ne sont pas discutés et votés par l’Assemblée nationale) pour créer un dialogue et passe inexorablement par les outils coercitifs de l’État. Ces dernières semaines en Amérique latine mettent en lumière l’aggravation des inégalités dans la région et une absence totale de remise en question du néolibéralisme par ses dirigeants, qui s’évertuent à vouloir éteindre un incendie avec du combustible…
Romain DROOG