Santiago du Chili début du XXIè siècle. Le petit monde diplomatique mène une vie un peu routinière, délivrance de visas, réceptions, relations avec les collègues des autres pays représentés. Un nouvel attaché s’installe au poste de conseiller culturel et intrigue ses collaborateurs par son attitude peu communicative sur le pays chilien alors qu’il est censé donner une image d’ouverture et d’amitié de la France.
Photo : Philippe Valeri
Quand Geoffrey Courseuils prend son poste de conseiller culturel à l’Ambassade de France de Santiago, en 2008, sa déception est énorme : le pays lui semble éteint, la ville morne et sale, l’ambassade d’une tristesse inouïe et son travail ennuyeux. Il n’y a vraiment rien à sauver dans cette capitale qu’il découvre. C’est assez étrange chez un diplomate, en principe habitué aux changements et, il faut l’espérer, ouvert à d’autres façons de vivre. Trois ans plus tard, le même homme disparait mystérieusement au moment où il s’apprêtait à prendre un bateau à Valparaiso. Que s’est-il passé pendant cette période ?
Geoffrey Courseuils est un héros à part. Sa vision du pays dans lequel il est en principe chargé de promouvoir la culture française est sans appel, il n’y a rien de positif dans ce désert culturel où les gens ne parlent pas, ne parlent pas entre eux, où personne n’est disposé à accueillir un étranger, où les Mexicains croisés pendant un cocktail officiel, eux-mêmes dans la diplomatie, haïssent les Chiliens qui n’apprécient pas trop les Argentins, etc. L’auteur a-t-il eu une expérience ratée avec le Chili ? Cette façon de tout dézinguer dans ce pays qui n’est pourtant pas le dernier des derniers en Amérique latine peut choquer non seulement les amoureux du Chili ou ses habitants, mais aussi les touristes occasionnels qui ont eu une impression très différente.
Le passé trouble, de l’homme et du pays, resurgit. Il y a un profond malaise chez ce Geoffrey Courseuils, et Philippe Valeri sait le transmettre au lecteur. Peu à peu, on en apprend davantage sur le personnage, par des retours en arrière qui, par bribes, sans tout dire, dévoilent des moments de sa vie chilienne et, si son passé reste dans l’ombre, ce qu’on sait de son séjour à Santiago permettra de comprendre cette attitude désespérée.
Les derniers jours de l’amour est un roman qui oblige le lecteur à réagir, qui le trouble et lui laisse une impression mitigée, correspondant bien au personnage principal.
Christian ROINAT
Les derniers jours de l’amour de Philippe Valeri, éd. L’Harmattan, 288 p., 24,50 €.
Cinéaste, conseiller technique et diplomatique, Philippe Valeri a séjourné dans plusieurs pays d’Europe et d’Amérique. Il partage désormais son temps entre la France et la Colombie. Auteur d’essais, de films documentaires (Objets trouvés, Paris à l’oeil, Cinémathèque de Paris), il écrit aussi des romans policiers. Avec Les derniers jours de l’amour, il signe ici un roman sur fond de crise mémorielle au Chili.