Argentine, 1975. Claudio, avocat réputé et notable local, mène une existence confortable, acceptant de fermer les yeux sur les pratiques du régime en place. Lors d’un dîner, il est violemment pris à parti par un inconnu et l’altercation vire au drame. Claudio fait en sorte d’étouffer l’affaire, sans se douter que cette décision va l’entraîner dans une spirale sans fin.
Photo : Rojo
«L’objectif premier n’était pas seulement de faire un film sur les années 70, explique le réalisateur, mais aussi de faire un film qui reflète le style cinématographique de l’époque. Je pense aux films de réalisateurs américains pour lesquels j’ai une grande admiration, Francis Ford Coppola, Sidney Lumet ou encore John Boorman qui pouvait faire des films de genre tout en traitant de problèmes politiques sensibles. Je voulais faire un polar sur un avocat qui se retrouve à faire disparaître un homme qu’il a rencontré par hasard. Mais derrière le polar, le film dresse le portrait d’une situation sociale et politique d’un pays où règnent le silence et la complicité, aux heures sombres de son Histoire. » Le film se situe en effet une année avant le début de la dictature. Comme dans les polars, l’atmosphère est poisseuse, crépusculaire, sentant la mort. Mais c’est aussi une fable sur un peuple en train d’organiser sa propre amnésie, et le réalisateur oblige le spectateur d’aujourd’hui à regarder ce qui a eu lieu, au moment où il y avait beaucoup de liberté dans le pays. Pourtant dans les scènes noires, arrivent des moments d’humour.
II poursuit : «Les fondus, les zooms, le mixage souvent en mono, l’image avec une patine de film argentique tentent d’évoquer le look de cette époque. C’est le fruit de travail d’équipe entre photographie et décors. Pour ce qui est de l’image, les lentilles que nous avons utilisées (Panavision) sont d’époque. Nous avons choisi une palette de couleur très minutieuse (vert, ocre et rouge) à l’image de cette période et surtout du rendu de la pellicule argentique utilisée alors. Nous avons également eu recours aux ralentis, un usage de l’époque qu’on trouve, par exemple, chez Sam Peckinpah. Le son a été traité avec de vieux compresseurs qui génèrent une égalisation sonore particulière, typique de la technologie existante alors. Nous avons fait beaucoup de recherches sur les textures, les couleurs, et les objets de ce temps-là, ainsi que sur les codes du polar jusqu’aux costumes comme l’imper du détective. La musique originale, avec ses instruments, ses arrangements, a été composée en référence aux musiques de ces années-là » Il faut ajouter l’interprétation remarquable de Dario Grandinetti, vu chez Almodóvar dans Parle avec elle et Julieta, mais aussi dans Les nouveaux sauvages de Damian Szifrón.
Benjamin Naishtat est né à Buenos Aires en 1986. Il a étudié à l’Université de Cinéma de San Telmo (Argentine) et au Fresnoy en France. Il a réalisé plusieurs courts métrages notamment El juego(Cannes Cinéfondation 2010) et Historia del mal (Rotterdam 2011). Son premier long métrage, Historia del miedo a été présenté en compétition au Festival de Berlin en 2014, puis dans plus de 30 festivals à travers le monde. El movimiento, son second long métrage, a été sélectionné en 2015 au Festival de Locarno en Sélection Cinéastes du présent. Rojo est son troisième long métrage, qui a obtenu trois prix au Festival de San Sebastián.
Alain LIATARD
Rojo de Benjamín Naishtat, Thriller-Drame, Argentine, 1 h 49 – Voir la bande annonce