Le ministre de la Justice du Brésil Sergio Moro, et les procureurs, tentent de se tirer d’affaire à la suite de la publication du rapport du site web The Intercept, sur des messages filtrés qui ont été envoyés dans le cadre de l’investigation «Lava Jato» sur la corruption .
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The Intercept explique que cette affaire n’est que le début d’un «énorme trésor». Une affaire qui met en lumière des messages entre le juge Moro et les procureurs sur Telegram, une plateforme de messagerie cryptée, interceptés et envoyés par une source anonyme. Un anonyme qui soutient que les messages posent de sérieux doutes sur l’impartialité de Moro qui, en tant que juge, a envoyé en prison l’ex-président Luiz Inácio Lula da Silva. Des extraits de messages, publiés ce dimanche, incluent des conversations dans lesquelles Moro oriente les procureurs sur la mise en place, le rythme et l’ordre des investigations à effectuer.
Les avocats de Lula, une icône de la gauche latino-américaine qui continue à être l’une des figures d’opposition les plus influentes au Brésil, ont demandé au tribunal le plus important du pays la libération de l’ex-mandaté et ont tiré parti de ces accusations pour contester sa condamnation et demander son annulation.
Lors d’un événement brésilien ce lundi, Moro a revendiqué que jusqu’à maintenant ces messages ne prouvaient pas une conduite inappropriée de sa part, et l’équipe des procureurs explique qu’elle a agi en adéquation pendant ces cinq ans d’investigation «Lava Jato» qui avait révélé le versement de pots-de-vins de millions de dollars à de nombreux politiciens. Ils ont également souligné lors de déclarations écrites avoir été attaqués par un pirate informatique, ajoutant qu’il était alarmant que les messages aient été sorti de leur contexte et possiblement falsifiés.
Moro, qui s’est retiré de son rôle de juge principal dans l’investigation «Lava Jato» pour occuper la place de ministre de la Justice en janvier, a également critiqué The Intercept pour ne pas avoir identifié «la personne responsable de l’invasion criminelle des téléphones portables des procureurs». «Quant au contenu des messages dont vous me parlez, il n’y a aucune preuve de quelque anomalie ou de preuves que j’aie été à la tête de tels actes en tant que magistrat, bien qu’ils aient été sortis de leur contexte.»
Un porte-voix du président Jair Bolsonaro a rapporté que celui-ci n’a pas encore discuté de cette situation avec Moro et qu’il veut entendre le ministre directement avant de prendre une décision. Le Collège national des avocats du Brésil, qui a souvent critiqué ce qu’il considère comme des procédés trop agressifs, a exprimé ce lundi que n’importe quel procureur impliqué dans la filtration devait se retirer.
Influence sur les élections
La condamnation de Lula par Moro est la faute la plus terrible commise dans l’investigation de «Lava Jato» qui a abouti à l’emprisonnement d’une dizaine de personnages politiques et de chefs d’entreprises puissants du Brésil et dans d’autres parties d’Amérique latine, perturbant le panorama politique de la région.
Lula, qui confronte au moins six autres juges pour corruption, a postulé à la présidence l’année passée, mais s’est vu contraint de ne pas participer aux élections en raison de la décision de Moro de le condamner, une décision qui avait été confirmée en cours d’appel. Lula était en tête des sondages avant les élections, lesquelles ont finalement été gagnées par le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro.
Dans certains extraits des conversations publiées par The Intercept, les procureurs discutent du moyen d’empêcher les journalistes d’interviewer Lula, alors en prison, pendant la campagne présidentielle. L’un d’eux suggère que cela pourrait contribuer à aider l’ex-président à devenir le candidat du Parti des Travailleurs.
Dans un communiqué, les avocats de Lula expliquent que les messages prouvent la préparation de l’argumentaire fait dans les tribunaux : Moro et les procureurs fédéraux se sont liés pour s’assurer que leur client soit déclaré coupable et qu’il ne puisse pas participer aux élections présidentielles de l’année passée. Moro et les procureurs ont nié toute collaboration illégale ou motivations politiques.
D’après SWI
Traduit par Cécile PILGRAM