Traduit par Bertrand Pautrat et préfacé par Philippe Lançon, une édition bilingue de poche d’un des ouvrages les plus célèbres du poète chilien Nicanor Parra, Poèmes et antipoèmes, a été publiée par les éditions Point, un an après le décès du centenaire. Retour sur la vie de l’auteur et sur cette dernière publication.
Photo : La Tercera Chile
Né au Chili en 1914, Nicanor Parra Sandoval a désormais une grande influence sur la littérature sud-américaine. Il s’est formé autour des mathématiques et de la physique, a étudié la mécanique avancée aux États-Unis et est retourné au Chili pour devenir professeur titulaire de mécanique rationnelle. Sa formation scientifique n’était qu’un prologue à sa carrière littéraire, qui l’a dès le début différencié du reste des poètes de son époque. Avec les «quatre grands» de la poésie chilienne (Pablo Neruda, Gabriela Mistral, Vicente Huidobro et Pablo de Rokha), Nicanor Parra a eu un fort impact dans le paysage de la littérature nationale à travers la création de l’antipoésie.
C’est en 1935 que son premier livre Cancionero sin nombre (Recueil de poésies sans nom) réunit les prémices de ce mouvement, mais c’est à partir de son deuxième ouvrage paru en 1954 , Poemas y Antipoemas, qu’il définit son style littéraire. Cette notion d’antipoésie n’est pas seulement une rupture radicale dans la poésie chilienne ou hispano-américaine, mais aussi une forme d’antagonisme du modèle poétique. Ce schéma inclut de nouveaux éléments tels qu’un antihéros, de l’ironie, de l’humour, du sarcasme. Il s’agit de substituer la syntaxe soignée et métaphorique commune à la poésie de l’époque, par un langage direct et quotidien, capable de s’adapter à n’importe quelle circonstance. C’est avec la parution de cet ouvrage qu’il est devenu le lauréat du Concours national de Poésie organisé par le Syndicat des écrivains du Chili.
Doté d’un esprit rebelle, l’opposition de Nicanor Parra à la poésie traditionnelle a évolué au fil du temps. Durant 75 ans de travail, plusieurs auteurs ont partagé avec l’antipoète : Pablo Neruda, Alejandro Jodorowsky, Violeta Parra, Jaime Vadell… Par sa plume toujours à contre-courant, Nicanor Parra se voit capable de s’accoutumer aux changements qui l’entourent : que ce soit social, politique, artistique. L’antipoète laisse son système poétique ouvert à la transformation, en permettant que les futurs poètes désireux de divergence puissent se l’approprier.
Nicanor Parra a également été sélectionné pour le prix Nobel à plusieurs reprises, et même s’il ne l’a jamais obtenu, il remporte son équivalent en 2011, le Prix Cervantes, distinction littéraire attribuée chaque année depuis 1976 par le ministère de la Culture espagnole. Il succède ainsi à quelques grands noms de la littérature hispanophone, dont deux prédécesseurs chiliens, Jorge Edwards (prix 1999) et Gonzalo Rojas (prix 2003). Carmen Caffarel, directrice de l’Institut Cervantes, a déclaré : «Ce Prix Cervantes reconnaît cette fois-ci non seulement la valeur d’un créateur universel, mais aussi la nécessité de la recherche de nouvelles formes d’expression et l’exploration des frontières communicatives de l’être humain.»
Les premières traductions des ouvrages de Nicanor Parra sont arrivées très récemment sur le sol français, ce qui rend l’anthologie des éditions du Seuil pareil à un nouvel univers poétique à découvrir pour tous les lecteurs francophones. Désormais, une édition poche de cet ouvrage publié par les éditions Points recueille les poèmes les plus célèbres du premier et dernier antipoète chilien.
Amaranta ZERMEÑO
Notre revue trimestrielle Nouveaux Espaces Latinos, dans son édition de janvier-mars 2018, a publié une présentation de cet ouvrage sous la signature d’Eduardo P. Lobos.
Poèmes et antipoèmes de Nicanor Parra, traduit de l’espagnol par Bertrand Pautrat, avec la collaboration du poète chilien Felipe Tupper, publié en grand format en 2017 aux éditions du Seuil. L’édition économique vient de paraître aux éditions Points, 176 p., 6,90 €.