Les pannes de courant semblent faire partie de la vie de tous les jours des Vénézuéliens. Les coupures ont commencé à s’accentuer depuis le 7 mars, jour où la panne de courant a été la plus longue de l’histoire du pays, soit cinq jours pour certaines régions. À la suite de cette coupure, le gouvernement a assuré que le problème avait été résolu. Mais, peu de temps après, des coupures cette fois-ci plus sporadiques ont eu lieu tout au long du mois de mars. Le gouvernement vénézuélien a décidé de prendre des mesures particulières.
Photo : Atilio A. Boron
Nicolás Maduro a annoncé dimanche 31 mars un plan de rationnement électrique de 30 jours pour faire face à cette véritable crise électrique. Le plan est accompagné par un approvisionnement en eau, puisqu’une grande majorité des Vénézuéliens n’ont pas encore d’eau dans leurs maisons. Cependant, l’Association vénézuélienne d’ingénierie électrique et mécanique (AVIEM) a souligné que, sans une profonde intervention dans les centrales électriques, le problème pourrait demeurer pendant des années. «Ce problème va continuer, la situation est gravissime, il y aura d’autres pannes de courant et du rationnement […]. Tout le système électrique produit à peine entre 5500 et 6000 mégawatts quand il devrait en produire 34000» a expliqué le président de l’AVIEM Winston Cabas.
Il ajoute que l’industrie électrique vénézuélienne manque de main-d’œuvre qualifiée puisque «plus de 25000 travailleurs qualifiés du secteur ont quitté le pays depuis 2015». Finalement, les explications crédibles des pannes électriques brillent par leur absence. Le ministre de la Communication Jorge Rodríguez et Nicolás Maduro accusent le président par intérim Juan Guaidó et les États-Unis d’avoir orchestré des «attaques électromagnétiques» contre les centrales électriques. Il y a même certaines figures du gouvernement qui essayent de proposer quelques explications fantaisistes. Une membre de l’Assemblée nationale constituante, María Alejandra Díaz, a expliqué que les États-Unis ont utilisé le même virus électrique que dans le film Die Hard IV de Bruce Willispour saboter les centrales électriques au Venezuela.
Guaidó radié
Le contrôleur général du Venezuela Elvis Amoroso a annoncé jeudi 28 mars que le président par intérim Juan Guaidó est désormais radié et ne peut exercer des fonctions publiques pendant quinze ans. D’après Amoroso, «on présume une falsification des documents de ses déclarations de patrimoine et d’avoir reçu de l’argent d’institutions internationales sans le notifier». Il ajoute que Guaidó «a réalisé 91 voyages à l’extérieur du pays sans autorisation de l’Assemblée nationale pour un montant de 310 millions de bolivars (83700 euros au taux de change officiel) qu’il ne peut pas justifier avec son salaire de fonctionnaire public». Quant à Guaidó, il qualifie cela de «farce» et «qu’il n’existe pas une telle interdiction».
Il est aussi pertinent de souligner que de nombreux fonctionnaires publics du gouvernement chaviste sont accusés, preuves à l’appui, de corruption. L’exemple le plus révélateur est celui de l’ancien trésorier de la nation (et garde du corps de l’ancien président Hugo Chávez) Alejandro Andrade. Il a été condamné en 2018 à 10 ans de prison après avoir avoué avoir reçu un milliard de dollars (890 millions d’euros) en pots-de-vin. Le Département du Trésor des États-Unis a procédé à la confiscation et à la vente de ses biens en territoire américain. Ils ont par exemple confié à la compagnie CWS Marketing de vendre les 14 chevaux qu’Andrade avait aux États-Unis ; on estime que la vente aux enchères a permis de recueillir 1,23 million de dollars (un million d’euros). Difficile de justifier ces sommes faramineuses avec son salaire de fonctionnaire public !
Bilan du rapport des Nations unies et de la réunion de l’OEA
Le rapport de la visite de Michelle Bachelet, la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme de l’ONU, est sans doute la preuve irréfutable que le régime de Maduro ne respecte pas les droits de l’homme. Depuis le siège des Nations unies à Genève, Bachelet a expliqué que, dans le pays, il y a des tortures, des assassinats, mais aussi une violente crise humanitaire que le gouvernement nie catégoriquement. Elle a souligné à plusieurs reprises que la grande majorité de ces crimes étaient commis par les Forces d’actions spéciales (ou FAES) et par les «colectivos» (groupes paramilitaires armés).
Michelle Bachelet déclare alors que «les assassinats présentent un schéma similaire et ont lieu pendant des perquisitions illégales réalisées par la FAES, par la suite, les rapports officiels montrent qu’il y a eu un affrontement armé même si les témoins expliquent que les victimes ne portaient pas d’armes». Il faut souligner que, depuis janvier, la FAES a assassiné 37 personnes dans les zones les plus pauvres de Caracas
En 2018, on compte 205 assassinats également perpétrés par ces forces spéciales. En revanche, elle a aussi mis en évidence que la crise économique et sociale du Venezuela s’est accentuée davantage à la suite des sanctions américaines qui ont commencé en janvier. Du côté du régime de Nicolás Maduro, le vice-président du parti socialiste Diosdado Cabello a simplement déclaré que Bachelet a «envoyé une commission qui s’est contentée de lire ce que l’opposition lui a donné. Nous savions déjà que cette personne qui a gouverné pendant 8 ans sous la constitution du dictateur Pinochet allez faire cela». Le même jour, lors d’une réunion de l’OEA à Washington, le lieutenant vénézuélien Ronald Alirio Dugarte Silva a dévoilé une vidéo inédite des tortures qui ont lieu au siège de la Direction générale de contre-intelligence militaire (DGCIM). Vidéo où l’on peut aussi observer les conditions déplorables des prisonniers.
Les emprisonnements arbitraires au Venezuela s’accentuent
Le dernier emprisonnement a été celui de Roberto Marrero, chef de cabinet du président par intérim Juan Guaidó, par le Service d’Intelligence (Sebin), sous prétexte qu’il faisait partie d’un groupe terroriste. D’après le ministre de la Justice Néstor Reverol, Marrero était un des membres principaux d’un groupe terroriste qui visait à détruire des hôpitaux et des métros dans tout le pays. Le rapport officiel a montré que Marrero avait dans son appartement des fusils d’assauts et des grenades. Guaidó a déclaré que cette détention de Marrero montre à quel point le régime de Maduro est désespéré puisqu’ils ne peuvent pas l’incarcérer : «Comme ils ne peuvent pas incarcérer le président par intérim, ils prennent les membres les plus proches. Quoi qu’il arrive, on va rester ici.» Guaidó lui-même a également été victime d’une détention arbitraire le 13 janvier lorsque des membres du Sebin ont interpellé sa voiture ; il a été libéré peu de temps après.
Pendant cette même semaine, la juge María Lourdes Afiuni a été finalement condamnée à 5 ans de prison pour «corruption spirituelle». Ce terme qui peut paraître fictif désigne le «crime» dont cette juge a été accusée en 2009 lorsque l’ex-président du Venezuela Hugo Chávez l’a déclaré coupable pendant une émission télévisée pour avoir supposément aidé l’homme d’affaires Eligio Cedeño à fuir le pays. Chávez avait exigé 30 ans de prison, mais finalement elle a été condamnée à 5 ans dix ans après.
Ce qui rend ce verdict incroyable c’est qu’ils n’ont pas trouvé de preuves qui mettent en relation la juge et l’homme d’affaires, mais les juges l’ont accusé quand même de «corruption spirituelle» et pour sentir du «plaisir» lorsqu’elle a reçu des pots-de-vin, dont les preuves n’ont pas été présentées. «La justice criminelle au Venezuela vient d’entrer dans l’histoire. Elle a condamné la juge Afiuni de corruption spirituelle. C’est comme accuser quelqu’un de meurtre sans l’existence du mort» a déclaré l’avocat d’Afiuni, José Amalio Graterol, peu de temps après sur son compte Twitter.
Nicolás OLIVARES PEREDA