La stratégie de Juan Guaidó et de l’opposition pour faire entrer l’aide humanitaire au Venezuela se dessine au fur et à mesure : les trois points stratégiques où arriveront les cargaisons (Cúcuta en Colombie, Roraima au Brésil et Curaçao, île des Antilles néerlandaises), recrutements de volontaires (dont médecins et étudiants en médecine), les syndicats (transporteurs et infirmières) et l’appel aux militaires de laisser entrer les cargaisons au pays. Cette semaine semble être décisive pour l’avenir du Venezuela.
Photo : El Heraldo
Le président par intérim Juan Guaidó a annoncé la semaine dernière que l’aide humanitaire rentrera «sí o sí» au pays. Pour garantir cela, l’organisation de volontaires Voluntarios x Venezuela a été mise en place. Samedi dernier, les chiffres s’élevaient à 545 014 citoyens inscrits au portail. Lors d’un événement réalisé au sein des installations du journal El Nacional, Guaidó a assermenté plus de 3 000 volontaires qui seront en charge de distribuer l’aide humanitaire aux populations les plus démunies.
En outre, plusieurs syndicats et associations ont rejoint le mouvement soutenu par le Parlement, comme les syndicats des transporteurs et des infirmières. Il est évident que tous les citoyens sont indispensables pour la reconstruction du pays sur le long terme mais surtout sur le court terme pour pallier la crise humanitaire et sociale qui secoue le pays depuis des années et qui a mis plus de 250 000 personnes en risque de mortalité due au manque d’aliments et de médicaments.
Jeudi dernier, lors de la première conférence internationale sur l’aide humanitaire au Venezuela, l’ambassadeur aux États-Unis Carlos Vecchio, désigné par Guaidó, et le coordinateur du groupe de travail des migrants de l’Organisation des États américains (OEA) David Smolansky, ont déclaré que plus de 100 millions de dollars ont été collectés. Les pays qui ont donné des fonds sont le Canada (53 millions de dollars canadiens), les États-Unis (20 millions de dollars), le Royaume-Uni (6,5 millions de livres sterlings), les Pays-Bas (1 million d’euros), l’Allemagne (20 millions d’euros), l’Espagne (3 millions d’euros), l’Union européenne (30 millions d’euros), Taïwan (500 mil dollars), la Nouvelle-Zélande (140 000 dollars) et des acteurs multilatéraux (plus de 30 millions de dollars).
Lors de cette conférence, le député et médecin Juan Manuel Olivares (Primero Justicia) a déclaré que plus de 40 000 patients atteints du cancer ne reçoivent pas de chimiothérapie, 70 000 patients atteints par le VIH ne reçoivent pas de traitement antirétroviral, qu’il existe une pénurie de traitement d’anti hypertension de 70%, 82% de pénuries d’antibiotiques et 98% de pénuries de médicaments pour des maladies neurologiques. En 2018, 68% des blocs opératoires du pays étaient hors-service et seuls 200 enfants sur 2500 ont été opérés de pathologies cardiologiques. Le système sanitaire vénézuélien est en crise et personne ne peut l’occulter. Des personnes meurent au Venezuela puisqu’elles ne peuvent pas avoir accès à des médicaments ou tout simplement à une bonne alimentation. Pour cette raison, le Parlement et son président demandent l’arrivée au pays de l’aide humanitaire.
En revanche, le gouvernement dénonce un coup d’État orchestré par les États-Unis et l’Union européenne, et qualifie l’aide humanitaire de «show», une excuse pour intervenir militairement dans le pays. La vice-présidente du pays, Delcy Rodríguez, a qualifié les médicaments et les aliments provenant des États-Unis d’«armes biologiques», contaminés et pouvant entraîner le cancer. Dans plusieurs répliques, des membres du gouvernement de Nicolás Maduro ont affirmé qu’il n’existe pas de crise humanitaire dans le pays. C’est le cas du ministre des Affaires étrangères Jorge Arreaza lors d’une session le 12 février dernier au siège de l’ONU à New York : «il n’y a pas de crise humanitaire mais une économie bloquée et assiégée».
Pourtant, le gouvernement a importé 933 tonnes de produits médicaux provenant de Cuba, de la Chine et de la Russie. Les conteneurs sont arrivés le 15 février dernier au port de La Guaira. Le régime dénonce un «boycott» international, nie une crise humanitaire existante et tente d’établir un dialogue avec l’opposition. Cependant, il bloque la frontière avec la Colombie (pont Tienditas, Cúcuta), il menace de mettre en prison Juan Guaidó, de dissoudre le Parlement (majorité opposition) et il évite l’entrée au pays d’une commission du parlement européen (dirigée par Esteban González Pons, premier vice-président du Parti populaire européen) qui allait se réunir avec le président par intérim Juan Guaidó.
Pour ces raisons, le Pape Francisco n’a pas accepté de jouer le rôle de médiateur dans une nouvelle tentative de dialogue entre le régime dictatorial de Nicolás Maduro et l’opposition. Dans la lettre, le Pape Francisco s’adresse à «monsieur» Maduro et regrette que «malheureusement, elles [les réunions] se sont toutes interrompues parce que ce qui était décidé dans les réunions n’était pas suivi de gestes concrets pour réaliser les accords» en se référant au dialogue d’octobre 2016. Le dialogue est qualifié comme impossible par l’opposition, qui est soutenue par les démocraties occidentales.
Samedi dernier, trois avions cargo militaire C-17 de l’armée de l’air des États-Unis sont arrivés à la ville de Cúcuta en Colombie à la frontière avec le Venezuela. Les avions étaient chargés de 250 tonnes d’aliments, de médicaments et d’articles d’hygiène. Mais ce ne sera pas le seul chargement qui arrivera en Colombie de la Usaid, l’ambassade américaine en Colombie a affirmé que des packs de soins d’urgence arriveront cette semaine et que plus d’approvisionnements sont en train d’être préparés dans des entrepôts à Miami et à Houston pour être distribués dans la région. De plus, le sénateur républicain Marco Rubio est arrivé dimanche dernier à Cúcuta afin de suivre l’avancement de l’opération. Il est impératif de rappeler que ce sénateur est l’une des figures majeures dans la transition au Venezuela, ainsi que John Bolton, conseiller à la sécurité nationale, et Elliott Abrams, conseillé pour les affaires étrangères).
Le régime de Maduro est de plus en plus isolé et a peu de marge de manœuvre. La banque russe Gazprombank a gelé les comptes de PDVSA (entreprise pétrolière vénézuélienne) dimanche dernier d’après Reuters Latam, mais l’institution bancaire ainsi que PDVSA ont nié les faits. Ce fait est sûrement dû aux sanctions économiques que les États-Unis vont annoncer contre les institutions qui faisaient des échanges commerciaux avec PDVSA.
Le samedi 22 février, un concert de bienfaisance aura lieu dans la ville de Cúcuta avec l’objectif de collecter des fonds pour contribuer à l’aide humanitaire au Venezuela. Le concert est organisé par le multimillionnaire britannique Richard Branson et comptera avec plusieurs artistes nationaux comme internationaux : Carlos Vives, Fonseca, Juanes, Nacho, Alesso (Dj), Rudy Mancuso, Ricardo Montaner, Mau y Ricky, Camilo, Danny Ocean, Alejandro Sanz, Anitta, Luis Fonsi, Miguel Bosé, Chyno Miranda, Peter Gabriel, Diego Torres, Maluma, Mana et Carlos Baute. Le concert sera diffusé en direct sur internet afin d’attirer l’attention internationale. Il se déroulera de 10h à 16h30, heure locale. De plus, la plateforme VenezuelaAidLive est lancée afin de collecter 100 millions de dollars en 60 jours : https://venezuelaaidlive.com/
Gilberto Andrés OLIVARES