Le 25 janvier, près de la petite ville brésilienne de Brumadinho (39 000 habitants), un barrage retenant des rejets miniers cède. Une terrible vague de boue déferle à 70 km/h et dévaste tout sur son passage. Cette catastrophe n’est malheureusement pas la première de ce genre au Brésil…
Photo : Voz de América
Deux semaines après la rupture d’un barrage minier près de Brumadinho dans le sud-est du Brésil, le bilan humain est particulièrement lourd : près de 350 morts et disparus. Les 165 victimes identifiées à ce jour sont essentiellement des habitants de la région, des touristes et surtout de nombreux employés de la mine Córrego do Feijão, qui étaient en train de déjeuner à la cantine d’entreprise quand le barrage a brutalement cédé. La recherche des 174 disparus mobilise près de 400 pompiers et militaires qui creusent l’épaisse couche de boue toxique chargée de métaux lourds. D’après les secours, les recherches des corps devraient se poursuivre au moins jusqu’au 14 février.
Si des moyens aussi importants sont déployés pour trouver les corps, c’est que la quantité de boue à déblayer est considérable. On l’estime à 13 millions de mètres cubes de rejets miniers répandus dans la zone. Outre le bilan humain, l’impact environnemental est désastreux. Même si les premiers éléments de l’enquête ne permettent pas d’évaluer avec précision la quantité de métaux lourds déversés, la pollution des cours d’eau est déjà visible. Sur les rives du Rio Paraopeba, où vivait l’ethnie Pataxo, on peut déjà trouver les cadavres des poissons en état de décomposition. La communauté Pataxo est une victime collatérale de l’accident, touchée de plein fouet par ce désastre puisqu’elle puisait ses ressources directement dans la rivière, à la fois pourvoyeuse de poissons et espace spirituel. À l’impossibilité de boire l’eau et de manger les poissons s’ajoutent les risques d’épidémie (dengue, fièvre jaune) et les troubles psychiques pour les habitants de cette région qui ont perdu en quelques minutes leurs proches et leur habitation.
Cette tragédie en rappelle malheureusement une autre, très récente : la catastrophe de Mariana, située à seulement 90 km de Brumadinho, où un autre barrage minier avait déjà cédé en 2015. Elle avait été depuis qualifiée de pire catastrophe environnementale dans l’histoire du Brésil, avec 19 morts et 60 millions de mètres cubes de boue qui avaient contaminé 600 kilomètres du fleuve Rio Doce.
Le point commun entre ces deux catastrophes ? Le groupe Vale, entreprise minière multinationale leader dans la production et l’exportation du minerai de fer, qui exploite les deux sites à Mariana et Brumadinho. Trois ans après, aucun des 21 responsables de l’entreprise mis en cause par la justice n’a encore été jugé, la procédure étant bloquée. Les indemnisations sont au point mort, Vale ayant attaqué en appel toutes les décisions de justice. Aucune amende notifiée par l’Ibama, la police de l’environnement au Brésil, n’a encore été acquittée.
Face à l’ampleur de ces tragédies à répétition, l’entreprise devra rendre des comptes. La justice brésilienne a réclamé le gel de 11 milliards de reais (2,6 milliards d’euros) en prévision des dédommagements aux victimes. «Nos barrages seront à l’avenir sûrs, et dix retenues considérées comme dangereuses seront fermées ou démantelées», a tenté de rassurer Fabio Schvartsman, le PDG du groupe. Quelle crédibilité donner à ces discours à la suite de deux catastrophes majeures en trois ans ?
L’enquête qui commence devra déterminer si la société fera l’objet de poursuites pour homicide volontaire. Pour l’instant, les premiers éléments semblent indiquer que le groupe avait parfaitement conscience du danger imminent que représentait le barrage. L’Agence nationale d’extraction minière, l’organe fédéral en charge de contrôler les 790 barrages miniers du pays, pourrait également être mise en cause.
Ces tragédies devront en tout cas servir d’avertissement au nouveau président Jair Bolsonaro, adepte des discours climato-sceptiques et qui souhaite lutter contre «l’activisme radical» et «l’idéologie» des institutions environnementales en démantelant la gouvernance environnementale. Autrement dit, il souhaiterait déréguler allègrement les contraintes qui pèsent sur les entreprises pour leur permettre d’obtenir plus facilement des permis d’exploitation pour les mines, barrages et autres infrastructures sans se soucier des risques d’accidents et des conséquences sur l’homme et l’environnement. Le secrétaire aux Affaires stratégiques du gouvernement brésilien, le général Maynard Santa Rosa, avait ainsi déclaré quatre jours avant la rupture du barrage que l’Amazonie était un «territoire improductif et désertique qui gagnerait grandement à être intégré au système économique national», témoignant du peu d’intérêt qu’a ce gouvernement pour le respect de l’environnement.
Gabriel VALLEJO