Décès d’Ana González de Recabarren, infatigable militante chilienne pour la justice et la vérité

Ana González de Recabarren s’est éteinte le vendredi 26 octobre à l’âge de 93 ans. En avril 1976, sa vie bascule lorsque disparaissent son mari, Manuel, ses deux fils, Luis Emilio et Manuel Guillermo, et sa belle-fille, Nalvia, alors qu’elle était enceinte. Arrêtés et torturés par la DINA (Direction nationale du renseignement), ils n’ont jamais été retrouvés. Leurs noms ont rejoint la liste macabre des 1210 detenidos-desaparecidos du Chili.

Photo : El Desconcierto

Dimanche après-midi, ils étaient des milliers dans le cimetière de Ricoleta pour rendre un dernier hommage à «Anita». Brandissant son portrait, des gamins sur les épaules ou un œillet à la main, la foule est émue aux larmes en scandant «Compañera Anita : Presente !». Militante du combat pour la justice, Ana González de Recabarren est devenue l’une des principales dirigeantes de l’association des familles de disparus, a participé à une grève de la faim et à de multiples actions pour exiger la vérité afin que «les générations à venir sachent ce qui s’est passé au Chili».

Mariano Puga, prêtre ouvrier de Santiago, salue une sœur qui était aussi pour beaucoup «une mère, une grand-mère, une amie», avant d’entamer Venceremos, l’hymne de l’Unité populaire, à l’accordéon. «Elle incarnait la femme qui ne renonce jamais. Elle a cherché toute sa vie ses proches les plus chers, sans jamais se fatiguer. Ni la douleur ni les peines n’ont eu raison de son sourire éternel» confie Tatiana Cordova, une habitante de Puente Alto.

Comme le rejeu d’une faille mémorielle qui traverse en profondeur la société chilienne, la mort d’Ana González met en évidence la revendication d’un droit à la justice et à la vérité face aux crimes commis pendant la dictature militaire du général Pinochet. À la suite d’Ana González, les familles réunies au sein de l’Agrupación de Familiares de Detenidos Desaparecidos (AFDD) poursuivront ce combat. Comme un ultime message de cette infatigable militante des droits de l’homme, une banderole placée à l’entrée du cimetière rappelle que «La seule mort, c’est l’oubli».

Thomas LALIRE