Alejandro Castro, le militant chilien contre la pollution, rejoint la liste des «suicidés»

Début octobre, un nouvel épisode de pollution au dioxyde de soufre (SO2) a frappé la région de Quintero, au nord de Valparaíso. Plus d’un millier de personnes ont été intoxiquées depuis le début de la crise, dont des femmes enceintes et des enfants, et plus de 700 habitants ont dû être hospitalisés. Le gouvernement, sans suspendre les activités des usines proches de la zone, a présenté un plan d’urgence. Plan qui sera pleinement efficace dans un an…

Photo : Publimetro

En attendant, les habitants se mobilisent et manifestent. Ils accusent douze entreprises de rejeter des produits toxiques dans la nature. Meneur d’un des syndicats de pêcheurs, visage médiatique de la contestation, Alejandro Castro dénonçait les entreprises qui polluent Quintero et ses alentours. Les habitants sont intoxiqués, l’eau et les sols contaminés. Les poissons de l’océan meurent avant d’être pêchés. Et les pêcheurs meurent pendus aux grilles du métro. Suicide. Suicide ?

Mercredi 3 octobre, Alejandro Castro manifestait dans les rues de Valparaíso. Jeudi matin, on retrouvait son corps pendu en plein centre-ville. La sangle de son sac à dos faisait office de corde. Un suicide au sac à dos avec les pieds à quelques dizaines de centimètres du sol ? Sur les grilles du métro ? Macarena Valdés avait au moins eu la décence de se pendre avec une corde, chez elle. Un suicide ? Peut-être s’était-il rendu compte, à la lecture des menaces de mort qu’il avait reçues, que défendre sa santé, celle de sa famille et de ses amis, était injuste.

Pris de remords d’avoir calomnié des entreprises qui rejettent des produits toxiques, sa conscience l’aurait-elle acculé au suicide ? Soyons sérieux. Un homme ne se pend pas sans raison. Un homme ne se pend pas alors qu’il se bat pour défendre ses droits et son gagne-pain. Un homme ne se pend pas après avoir été menacé. Dans ces circonstances, un homme ne se pend pas. Il est pendu.

Alejandro Castro rejoint la liste des militants qui, un beau jour, au milieu de leur lutte, se suicident. Comme Macarena Valdés. Tous ces suicides posent question. Mais il est rare que la thèse du suicide finisse par être écartée. Et il est encore plus rare que ces cas arrivent devant la justice.

Peu après avoir conclu au suicide, le responsable de la PDI (Police d’investigation, équivalent de la Police judiciaire) a admis qu’Alejandro Castro avait bien reçu des menaces de mort. Faible signe, mais signe encourageant. La PDI a annoncé envisager toutes les possibilités. Quelques personnalités politiques ont fait part de leur préoccupation. Mais près de deux semaines plus tard, on ne relève aucune avancée significative. La lumière sera-t-elle faite ou, une fois de plus, la mort douteuse d’un militant de la société civile restera-t-elle à jamais dans l’ombre ?

Rai BENNO
Depuis Santiago du Chili