Depuis la transition démocratique, une nouvelle génération d’écrivains perpétue une mémoire des luttes en donnant la parole aux victimes de la répression. Du sang dans le Cône Sud. Le fascisme est une hydre appartient à ce nouveau genre littéraire qui s’est considérablement développé en Amérique latine : la littérature de témoignage. Une édition bilingue de ce roman de l’Uruguayen Saúl Ibargoyen vient enrichir la collection «Ida y vuelta/Aller-retour» des Presses universitaires de Lyon (PUL).
Photo : Letralia/PUL
27 juin 1973. L’armée uruguayenne dissout le Congrès. Le président Juan María Bordaberry, du Parti colorado, suspend la Constitution et établit un régime dictatorial marqué par le sceau de la torture et de la répression. Plus de trente ans après, les cendres de la dictature uruguayenne sont encore chaudes.
«Se souvenir… c’est difficile, c’est dangereux. Pour moi, c’est un peu comme respirer à nouveau tout ça, avec mes deux poumons abîmés qui plus est, encombrés de flegmes récalcitrants…» Au cours d’un entretien réalisé au Mexique, terre d’exil de Saúl Ibargoyen, un narrateur raconte sa vie de militant communiste pourchassé, arrêté et torturé pendant la dictature qui a dévasté l’Uruguay de 1973 à 1985. À travers un récit fleuve plein de violence et de poésie, Saúl Ibargoyen érige en mémorial des disparus les traces laissées par un passé qui ne passe pas.
Né à Montevideo en 1930, Saúl Ibargoyen est un poète et romancier de la génération des écrivains qui ont pris le chemin de l’exil politique dans les années 1970 lors des dictatures militaires, et s’est depuis ancré dans la vie littéraire et éditoriale du Mexique. Une partie de son œuvre romanesque évoque la zone frontalière uruguayo-brésilienne, à l’image du roman Toute la terre (2000), traduit en français en 2013 (À plus d’un titre) ; l’autre est constituée d’une trilogie consacrée à la période dictatoriale uruguayenne : Sangre en el sur (2007), El torturador (2010) et Volver… volver (2011).
Dirigée par Philippe Dessommes, José Carlos de Hoyos et Sylvie Protin, la collection «Ida y vuelta/Aller-retour» des Presses universitaires de Lyon se propose d’ouvrir des espaces de dialogue entre les cultures d’expression espagnole et française. Elle présente des textes encore inédits en français, principalement du domaine littéraire, en ne s’interdisant aucun genre (fiction, poésie, essai, critique).
Après Aucun lieu n’est sacré, un recueil de neuf nouvelles de Rodrigo Rey Rosa, inédit en français, composé durant son séjour à New York en 1998, et un roman, à la fois rigoureux et farfelu, de Carlos Gamerro, Le Rêve de monsieur le juge, publiés en 2017, Du sang dans le Cône Sud est un des deux nouveaux titres en édition bilingue qui viennent enrichir la collection «Ida y vuelta/Aller-retour» des Presses universitaires de Lyon (PUL), avec un recueil de contes pour enfants de l’Argentine Ana María Shua, Contes du monde.
Marlène LANDON
Du sang dans le Cône Sud de Saúl Ibargoyen, traduit de l’espagnol (Uruguay) par Philippe Dessommes, Alice Freysz et Émily Lombardero, de l’atelier de traduction hispanique de l’ENS de Lyon, avec un prologue de Fernando Aínsa et une introduction de Cecilia González, Presses universitaires de Lyon, 360 p., 15 €. Saúl Ibargoyen en espagnol : Sangre en el sur: el fascismo es uno solo, Mexico, Ediciones y Gráficos Eón, 2007.