Plusieurs documentaires ont été tournés à l’occasion des Jeux olympiques de Rio 2016. Certains montraient comment des favelas furent violemment vidées de leurs occupants : 22 000 familles expropriées, «nettoyage» social pour préparer la venue des touristes, répression de travailleurs, militarisation des quartiers très défavorisés, corruption et détournement de fonds publics, façades rafraîchies uniquement pour les passages officiels, etc.
Photo : L’autre Rio
Ici, le point de vue de la réalisatrice canadienne Émilie Beaulieu Guérette est différent. Elle s’est intéressée à une communauté de déshérités qui vit dans un immeuble désaffecté, l’ancien IBGE (Institut brésilien de géographie et de statistiques). Dans cet édifice abandonné vivent cent familles sans eau courante ni collecte de déchets, tandis qu’à deux pas de là se déroulent les Jeux olympiques au stade Maracanã. Malgré la misère, les ordures, la violence des gangs et la militarisation du quartier, les occupants survivent.
Composé de longs plans-séquence, «le film oscille, explique la réalisatrice, entre le cinéma direct, caméra à l’épaule, dans le quotidien du squat et des entrevues frontales où les occupants – surtout des femmes – nous offrent une parole généreuse et intime qui ouvre une porte sur leur réalité méconnue. J’ai tenté de porter un regard sensible et humain sur une population extrêmement marginalisée, qui pourtant survit avec énormément de résilience, de courage et d’humour. Il s’agit d’un film engagé sans pourtant être pamphlétaire, qui pose des questions sur l’inégalité extrême des métropoles d’Amérique du Sud et la manière dont les Jeux olympiques sont imposés, en particulier dans des sociétés inégalitaires comme le Brésil.»
Émilie fait des allers-retours entre Montréal et Rio depuis douze ans et, depuis 2013, elle s’implique dans le droit au logement à Rio. «Il va sans dire que de tourner dans une favela à Rio de Janeiro est une expérience assez difficile puisque le territoire est contrôlé par les trafiquants de drogue et que les confrontations armées avec la police ou les rivaux d’autres factions sont monnaie courante. Maintenant, le squat IBGE n’existe plus. Il a été exproprié et démoli par le maire de Rio, Marcelo Crivella, en mai 2018. Il a promis de construire des logements sociaux sur le lieu du squat pour reloger les familles. Entre temps, les occupants reçoivent une allocation mensuelle (très minime) pour se reloger. J’ai eu la chance d’accompagner quelques familles dans la transition. Les familles vont plutôt bien mais les réactions sont partagées. La plupart ont trouvé des appartements dans la favela Mangueira, à proximité de l’IBGE, mais certains ont dû déménager ailleurs faute de trouver un logement à proximité.»
Le film est présenté par Extérieur Jour, une société de distribution spécialisée dans le genre documentaire et ayant pour but de diffuser les films documentaires d’auteurs québécois afin de les faire mieux connaître en France où ils sont rarement présentés.
Alain LIATARD
Bande annonce : AlloCiné