Confronté à une crise de confiance, le peso argentin a perdu en deux jours près de 20 % de sa valeur face au dollar, contraignant la banque centrale à relever jeudi à 60 % son taux directeur, l’un des plus élevés du monde. En proie à une récession et connaissant un risque élevé, la troisième économie d’Amérique latine peine à rebondir, malgré le recours au Fonds monétaire international (FMI), qui lui a accordé en juin un prêt de 50 milliards de dollars. Nous reproduisons ici un article de Radio Canada.
Photo : Cuba Debate
Jeudi, le peso argentin a enregistré sa plus forte dépréciation en une seule journée depuis que, fin 2015, Mauricio Macri (centre droit) a pris ses fonctions de président, cédant 13,53 %. Cette devise a ainsi reculé de plus de 53 % depuis le début de l’année par rapport au billet vert et s’échange désormais à 36,50 pour un dollar.
Pour endiguer la dépréciation de la monnaie argentine, la Banque centrale de la République argentine (BCRA) a pris une mesure forte jeudi, en augmentant de 15 points son principal taux d’intérêt, de 45 à 60 %.
Confiant malgré tout
Malgré le marasme économique, le gouvernement se montre confiant quant à l’avenir économique du pays. Le chef du gouvernement argentin, Marcos Peña, a ainsi assuré que l’Argentine allait «sortir renforcée du processus de transformation» engagé fin 2015 par le président Macri. «Il n’y a pas d’échec économique, a-t-il affirmé. C’est un changement profond, nous sommes dans la bonne direction.»
Il a attribué les turbulences sur le marché des changes à la «vulnérabilité structurelle» de l’Argentine : «cela fait des décennies que nous avons un problème de déficit budgétaire et rien n’avait été fait pour le résoudre.»
Avec le remboursement des «fonds vautours», l’Argentine a pu faire son retour sur les marchés financiers dont elle était exclue depuis 2001. Ces fonds spéculatifs avaient racheté à très bas prix (20 % de sa valeur) la dette argentine, puis avaient refusé de participer à la renégociation de cette dette.
Finalement, l’Argentine avait accepté, en 2016, de régler les 4,6 milliards de dollars, mais avait contracté dans la foulée plus de 142 milliards de dollars de dette en deux ans.
Durant les 18 premiers mois de sa présidence, les taux d’intérêt élevés des obligations argentines ont ranimé l’économie. Le problème, d’après l’économiste Delfina Rossi citée par Libération, c’est que ces capitaux purement spéculatifs «sans contrôle, sont repartis aussi rapidement qu’ils étaient venus une fois leur rente touchée, encourageant la fuite de capitaux et mettant une très forte pression sur le peso».
Austérité imposée
Depuis son arrivée au pouvoir fin 2015, le gouvernement Macri a réduit de 6 à 3,9 % du PIB le déficit budgétaire. Car l’argent prêté par le FMI est assorti de mesures d’austérité. Le gouvernement s’est ainsi engagé à encore réduire le déficit, avec un objectif de 2,7 % en 2018 et 1,3 % en 2019.
La semaine dernière, une augmentation d’au moins 30 % du prix des transports publics, la hausse des tarifs de gaz et d’électricité et celle du prix de l’essence ont été un nouveau coup dur pour les citoyens qui survivent parfois grâce au troc.
Les restrictions budgétaires se font sentir également dans l’administration publique et dans le secteur privé. Des entreprises ferment, les financements publics diminuent dans tous les domaines et nombre de grands travaux prévus par les autorités sont reportés.
Jeudi, à Wall Street, les actions argentines ont chuté de 10 % en moyenne et le géant américain de la grande distribution Walmart a annoncé la vente d’une dizaine d’hypermarchés en Argentine.
Mercredi, Mauricio Macri avait essuyé un camouflet à Buenos Aires. Il était intervenu publiquement pour annoncer que l’Argentine demandait au FMI d’accélérer le versement de la deuxième tranche du prêt. Mais les marchés ont réagi négativement.
«Le dollar est la monnaie de réserve par excellence, utilisée par les Argentins pour préserver à long terme la valeur de leur épargne. La demande croît en période d’incertitudes et elle diminue par temps calme. C’est dû à la mauvaise expérience de ceux qui ont vu fondre leur épargne en pesos», notamment au cours de la crise économique de 2001, explique en outre Victor Beker, le directeur du Centre d’études de la nouvelle économie (CENE).
La Confederación General del Trabajo de la República Argentina (CGT), la principale centrale syndicale du pays, a appelé à une grève nationale de 24 heures le 25 septembre.
D’après Radio Canada