Le lundi 25 juin, l’Argentine a vécu une journée digne des films apocalyptiques. Les rues se sont retrouvées désertes, les magasins fermés. Aucun avion, taxi ou bus n’a circulé. Ce phénomène est le résultat d’une grève générale organisée par les syndicats contre l’accord réalisé entre le gouvernement argentin et le Fond monétaire international (FMI).
Photo : Radio Reloj
Le gouvernement du président Mauricio Macri fait face à une grave crise économique en Argentine depuis ces trois derniers mois. Cette crise est la conséquence de l’augmentation du revenu de la dette américaine et de la fuite des capitaux de la part des investisseurs. En Amérique latine, plusieurs monnaies ont ainsi été dévaluées ces derniers mois. Néanmoins, c’est en Argentine que l’inflation est la plus importante de la région, avec une augmentation de 27% en un an, en raison de sa dépendance aux financements extérieurs. Seul le Venezuela, en proie à de grandes instabilités sociales et politiques en raison des mouvements contestataires face au pouvoir de Nicolás Maduro, connaît une inflation supérieure.
Le gouvernement de M. Macri a dû faire appel au FMI pour tenter de sauver l’économie du pays. Le 7 juin, un accord a été signé entre les deux parties pour assurer le prêt d’un total de 50 milliards de dollars au pays, réparti sur 36 mois. Cette somme correspond à l’équivalent de 10% du PIB argentin. En contrepartie, l’Argentine s’engage à réduire son déficit fiscal à zéro d’ici 2020. En conséquence de ce choix, l’État va devoir interrompre les travaux publics, limiter les investissements pour les régions et réduire sa présence dans l’économie nationale.
Le Centre d’études et de connaissances sur l’opinion publique (CEOP) a publié le résultat d’une enquête qui montre que 77% des Argentins perçoivent l’action du FMI comme néfaste pour le pays. Cette défiance de l’opinion publique s’explique par des tensions historiques entre le Fonds monétaire international et l’Argentine. C’est pour cette raison que la Confédération générale des travailleurs (CGT) a appelé à la grève générale.
La grève est aussi motivée par le passé trouble des relations entre l’Argentine et l’institution internationale. Le pays avait déjà fait un prêt au FMI dans les années 1950, mais c’est en 2001 que le FMI laisse un profond traumatisme dans la mémoire des Argentins. Durant le mandat du président Fernando de la Rúa, l’Argentine connaît la pire crise économique de son histoire. Le pays doit déclarer l’insolvabilité de sa dette de 144 milliards de dollars, ce qui a donné aux Argentins une image extrêmement négative du FMI. La dette a été acquittée en 2006, sous la présidence de Néstor Kirchner qui en a profité pour rompre les relations du pays avec le FMI.
Ce n’est donc pas sans fondements que le peuple argentin s’inquiète de ce nouvel accord entre l’institution internationale et le gouvernement. Ce nouveau prêt de 50 milliards de dollars est tout simplement le prêt le plus important jamais demandé par le pays, avec la crainte de nouvelles conséquences désastreuses.
Avec la grève générale, les syndicats demandent avant tout des négociations pour le réajustement des salaires de cette année pour suivre l’inflation actuelle (27%), et non celle qui a été estimée par le gouvernement (15%). Ce dernier n’a pour le moment donné aucun signe montrant qu’il était prêt à accepter des négociations avec les syndicats.
Le président Macri, qui a déjà annoncé son intention de se porter candidat aux prochaines élections présidentielles en 2019, voit sa popularité tomber drastiquement. En 2017, le président avait une cote de popularité de 58% contre 38% cette année. Si son gouvernement n’arrive pas à établir un accord avec les syndicats, ses intentions d’être réélu pour un second mandat semblent vouées à l’échec, mettant en péril son plan économique pour le pays.
Beatriz RAVAGNANI