L’application de la loi anti-immigration souhaitée par l’administration Trump a profondément choqué les États-Unis. 2300 enfants ont été séparés de leurs parents et retenus dans des centres d’hébergement depuis le mois d’avril, suscitant une vague d’indignation aux États-Unis et dans le monde avant que Donald Trump ne signe un décret le 20 juin pour mettre fin à cette loi.
Photo : Slate
Depuis le mois d’avril, Donald Trump a défendu bec et ongles sa politique de «tolérance zéro» aux frontières. Pour lutter radicalement contre l’immigration illégale à la frontière avec le Mexique, M. Trump et son ministre de la Justice Jeff Sessions, partisan d’une ligne dure, ont remis au goût du jour une ancienne loi qui n’était jusqu’ici que peu appliquée. Cette loi a permis de poursuivre automatiquement au pénal les adultes sans papier qui passent la frontière, avec pour conséquence l’envoi des enfants dans des centres d’hébergement.
«Si vous ne voulez pas que votre enfant soit séparé de vous, alors ne l’emmenez pas.» C’est ainsi que M. Sessions a compté cyniquement dissuader les familles qui fuient les violences de l’Amérique centrale. Plus de 2300 enfants ont été séparés de leurs familles ces deux derniers mois, suscitant l’indignation et une grande émotion dans tout le pays après la diffusion d’images montrant les jeunes migrants en pleurs derrière des grillages. La contestation a pris de l’ampleur au sein de l’opinion publique, auprès des élus du camp des Démocrates et même parmi les soutiens conservateurs de M. Trump.
Face à la polémique, M. Trump a tenté de justifier son action en affirmant qu’il ne faisait que respecter la loi, promulguée par les Démocrates selon ses dires, ce qui est totalement faux. Plus affligeant encore, M. Sessions a cité des passages de la Bible pour se défendre : «Je pourrais vous renvoyer à l’apôtre Paul et à son commandement clair et sage […] qu’il faut obéir aux lois du gouvernement car Dieu les a décrétées afin d’assurer l’ordre.» À noter que ce passage de la Bible a souvent été utilisé au XIXe siècle pour légitimer l’esclavage face aux abolitionnistes.
Si M. Trump semble assez peu sensible au sort de ces familles, les pays latino-américains ont vivement condamné la politique étasunienne, qualifiée de «cruelle et inhumaine» par le Mexique. Le Honduras et le Salvador ont également demandé aux États-Unis de ne pas séparer les enfants de migrants de leur famille pour éviter les troubles psychologiques des plus jeunes. Le Mexique, l’Équateur, la Colombie et le Guatemala ont par ailleurs saisi la Commission interaméricaine des droits de l’homme pour demander à protéger les droits des familles, l’intégrité physique et la liberté personnelle. Les pays d’Amérique centrale sont en effet les premiers touchés par cette situation, puisque la plupart des migrants viennent de cette région.
Avec la pression internationale qui s’est accentuée et surtout sous la pression de l’opinion publique étasunienne, M. Trump a finalement dû reculer sur la question en signant un décret le 20 juin pour mettre fin à cette loi plus proche de «l’humanité zéro» que de la «tolérance zéro» comme l’a souligné un sénateur démocrate. Mais ce recul pourrait n’être qu’apparent. La stratégie de M. Trump semble consister une fois de plus à employer la manière forte et à déclarer des formules chocs efficaces pour parvenir à ses fins. Il pourrait ainsi forcer les Démocrates à faire des concessions au Congrès sur les projets de lois sur l’immigration actuellement en débat. Ces manœuvres politiques lui permettent de caresser l’espoir d’accomplir un de ses rêves : bâtir un grand mur à la frontière sud, et payé par le Mexique par dessus le marché.
Gabriel VALLEJO