Le 14 juin 2018 est devenu un jour historique pour le pays du Pape. Le vote du parlement argentin favorable à la dépénalisation de l’avortement replace le pays en position de leadership des droits civiques en Amérique latine. Malgré un vote disputé, les députés argentins ont finalement accepté le projet de loi pour la dépénalisation de l’avortement, avec 129 voix pour le «oui» contre 125 pour le «non». Le projet de loi doit encore être approuvé par le Sénat à une date qui n’a pas encore été définie.
Photo : Le Petit Hergé
Pendant les vingt-trois heures de vote au Parlement, l’Argentine s’est divisée en deux. D’un côté, les citoyens en faveur de la dépénalisation, caractérisés par la couleur verte et soutenus par la Campaña Nacional por el Derecho al Aborto Legal, Seguro y Gratuito en Argentina (Campagne nationale pour le droit à l’avortement légal, sûr et gratuit en Argentine). Réuni devant le Congrès, le groupe avait déployé une banderole prônant une «Éducation sexuelle pour décider, des contraceptifs pour ne pas avorter, un avortement légal pour ne pas mourir».
De l’autre côté d’une barrière métallique étaient rassemblés les citoyens autoproclamés «en faveur de la vie», avec pour slogan «Sauvons les deux vies», menés par l’Église catholique et représentés par la couleur bleu céleste du drapeau du pays. En Argentine, le catholicisme est pratiqué par 92% de la population et l’importance de cette religion pourrait influencer considérablement la future décision des sénateurs sur la loi.
Les lois concernant l’avortement en Amérique latine et dans les Caraïbes font partie des plus restrictives au monde. Au Salvador, au Nicaragua, au Honduras et en Haïti, l’interdiction d’avorter est absolue et passible d’une peine de prison qui peut dépasser les trente ans. Actuellement en Amérique latine, le nombre d’avortements illégaux est estimé à plus de deux millions chaque année. Seuls trois pays l’autorisent sans besoin de justificatifs : Cuba depuis 1965, et l’Uruguay et la Guyane depuis 2012.
Le président argentin Mauricio Macri a joué un rôle essentiel dans l’organisation du débat sur ce thème. S’il s’est déclaré, dans un premier temps, contre la dépénalisation de l’avortement, il a finalement mis en place un débat politique respectant les valeurs de la démocratie. Depuis son élection fin 2015, l’Argentine est entrée dans une grave crise économique l’obligeant le mois dernier à demander l’aide du FMI. Face à cette forte tension économique, la volonté du président de maintenir le dialogue et de mettre en place un vote sur la question de l’avortement, et ce malgré ses propres déclarations, peut être interprétée comme une manœuvre politique visant à redorer son image progressiste et à faire oublier, le temps du débat, la situation économique difficile dans laquelle le pays est plongé.
Stratégie politique ou non, l’acceptation de la loi par le Parlement représente déjà une victoire célébrée dans toute l’Amérique latine. Il ne reste plus qu’à attendre l’approbation du Sénat et espérer que, dans un futur proche, d’autres pays de la région suivent l’exemple argentin.
Beatriz RAVAGNANI