Ces derniers jours, l’Église chilienne a été secouée par de nouveaux scandales. L’archevêché de Rancagua a suspendu 14 prêtres à la suite des déclarations de la paroissienne Elisa Fernández à l’encontre de Luis Rubio qu’elle accuse d’avoir participé, accompagné d’un groupe de religieux surnommé «la familia», à divers abus sexuels. Ce nouveau scandale arrive seulement quelques jours après l’annonce de la démission de 34 évêques par Luis Fernando Ramos Pérez et Juan Ignacio González Errázuriz, pour une affaire de pédophilie. Pour couronner le tout, le président de la commission pour la prévention d’abus au sein de l’Église chilienne, Alejandro Goic, s’est joint aux 33 autres évêques ayant remis leur démission. Il est accusé d’avoir réagi négligemment aux diverses déclarations d’Elisa Fernández.
Photo : Réunion des évêques à Rome/Reporte Indigo
Le pape François avait déjà annoncé des «changements» après avoir reçu un rapport sur le scandale sexuel au Chili. Il avait engagé Mgr Scicluna, évêque de Malte reconnu pour son investissement dans la lutte contre la pédophilie, pour mener l’enquête. Le premier jour, le pape François a donné à chaque participant un texte rédigé à partir de ce rapport. Le pape y traite diverses questions : on y parle notamment de la «psychologie d’élite». C’est-à-dire la façon dont la hiérarchie ecclésiastique prend la place de l’ensemble des croyants. Ce groupe se croit le seul à posséder le commandement de la prise des décisions qui restent éloignées des besoins de la population.
Concernant les témoignages des victimes, le pape remet aussi en question le rôle de l’Église. François Iᵉʳ critique la façon dont l’Église a réagi. Très souvent, les coupables ont été soutenus et leur délits cachés. Le pape se demande par ailleurs comment on peut réassigner des personnes soupçonnées d’avoir commis des abus aux emplacements où le rapport avec les enfants est fort.
Le vendredi 18 mai, les évêques ont remis leur démission au pape. Dans une lettre, ils présentent leurs excuses aux victimes et au pape, au peuple de Dieux et à leur pays. Ils s’engagent à réparer les dommages causés ainsi qu’à admettre leur culpabilité et les erreurs commises.
L’article de Patricio Fernández, directeur de la revue The Clinic, dans le New York Times, soulève des points intéressants. L’auteur fait référence à ce problème qu’il situe à l’époque de Jean Paul II, lors de la dictature de Pinochet. À cette époque, le pape avait rendu un service à la dictature en remplaçant des religieux à cause de leur idéologie, voire leur rapport avec la théologie de la libération ou leur engagement vis-à-vis des droits de l’homme. En effet, leurs places ont été occupées par de nouveaux religieux plus proche de Pinochet dont Fernando Karadima surnommé «El Santito» (le petit Saint). Fernando Karadima, interdit à vie de ses fonctions religieuses, était titulaire de la paroisse El Bosque et l’un des prêtres préférés de la bourgeoise pinochetiste du quartier de Providencia. Quatre évêques parmi ceux ayant posé leurs démissions se sont formés spirituellement à ses côtés : Andrés Arteaga, évêque auxiliaire de Santiago, Horacio Valenzuela, évêques de Talca, Tomislav Koljetić, évêque de Linares, et enfin Juan Barros, l’évêque d’Osorno. Il semble qu’un triste cycle, inauguré sous Jean Paul II, se referme avec ces démissions.
En 2010, James Hamilton, José Andrés Murillo et Juan Carlos Cruz, tous des victimes de Karadima, ont dénoncé les abus subis au cours des années 1980 et 1990. Karadima fut déclaré coupable en 2011. Juan Barros a été accusé depuis lors de couvrir Karadima. En 1984, Angel Borrás était le secrétaire du cardinal Francisco Fresno. C’est alors que les premières accusations contre Karadima ont été formulées. Pourtant, ces dénonciations n’étaient pas prises en compte, voire ignorées, selon la déclaration de la victime Juan Carlos Cruz. Lors du dernier voyage du pape au Chili, Barros l’a accompagné et est apparu à des moments importants de la visite comme dans le parc O’Higgins. Lors de ces rassemblements, Angel Borrás s’est présenté aux côtés du pape François, geste qui a mis en colère les victimes. Par ailleurs, le pape François a déclaré lors de son retour qu’il ne croyait pas aux déclarations des victimes. Pour lui, il n’y a aucune preuve contre Barros.
Quelques jours après son retour, le pape a commandé une mission au spécialiste des crimes sexuels au Vatican, Mgr Scicluna. Les raisons pour lesquelles le pape a si vite changé d’avis restent inconnues. Il semble que la pression est devenue trop forte. Quelques jours après son retour du Chili, l’existence et le contenu d’une lettre d’une des victimes, Juan Carlos Cruz, adressée au pape et datée de 2015, ont été dévoilés. Dans cette lettre, la victime dénonce le comportement de Barros qu’elle accuse d’avoir été présent lors des abus. Finalement, Francois Iᵉʳ a décidé d’ouvrir une enquête qui a provoqué la démission des 34 évêques. Le pape a récemment avoué avoir sous-estimé l’ampleur du problème et s’en excuse.
Mario PÉREZ MORALES