Deux tribunes d’anciens dirigeants dans «Le Monde» pour sauver Lula de la prison

Depuis sa prison, l’ancien président brésilien Lula (2003-2010) clame son innocence dans une tribune au Monde et affirme qu’il est toujours candidat aux élections présidentielles d’octobre 2018. Dans le même temps, six anciens dirigeants européens, dont François Hollande, ont demandé la liberté pour Lula dans une seconde tribune pour qu’il puisse se présenter aux élections présidentielles, déclenchant l’ire du gouvernement brésilien.

Photo : La Jornada

L’appel lancé au Monde par François Hollande, le socialiste belge Elio Di Rupo, les Italiens sociaux-démocrates Massimo d’Alema, Enrico Letta et Romano Prodi, ainsi que l’Espagnol José Luis Rodríguez Zapatero (PSOE), demande au Brésil d’autoriser Luiz Inácio Lula da Silva à se présenter aux élections présidentielles de 2018. L’ancien président français et les anciens chefs de gouvernement de la gauche européenne ont exprimé leur soutien à Lula, expliquant que «la lutte légitime et nécessaire contre la corruption ne peut justifier une opération qui remettrait en cause les principes de la démocratie et le droit des peuples à choisir ses gouvernants».

Attirer l’attention de la communauté internationale

La réponse ne s’est pas fait attendre du côté brésilien. Pour le ministre des Affaires étrangères Aloysio Nunes, cette prise de position constitue une violation de l’État de droit. «J’ai entendu avec incrédulité les déclarations de personnalités européennes qui, ayant perdu de l’audience chez elles, se sont arrogées le droit de donner des leçons sur le fonctionnement du système judiciaire brésilien», a réagi M. Nunes dans un communiqué.

Cette tribune fait suite à celle publiée par Lula également dans Le Monde la semaine dernière où l’ancien président brésilien affirmait sa volonté de se présenter aux élections en octobre 2018. Il clame son innocence et s’attaque virulemment au pouvoir en place de Michel Temer, en dénonçant d’abord le recul démocratique depuis la destitution de Dilma Roussef au profit de Michel Temer. Il s’attaque ensuite au virage néolibéral pris depuis 2016 et qui a réduit les droits sociaux dans un contexte de crise économique qui frappe durement les Brésiliens. Il défend surtout sa candidature en s’appuyant sur son bilan en tant que président : son aura internationale incontestable qui a propulsé le Brésil sur le devant de la scène internationale dans les années 2000 et la lutte contre la pauvreté qu’il a menée et qui a sorti 36 millions de Brésiliens de la misère. Il met également en avant le fait qu’il est le grand favori des sondages d’intention de vote, alors même qu’il est emprisonné depuis le 7 avril à Curitiba.

Course contre la montre pour Lula

Lula a en effet été condamné à 12 ans de prison pour «corruption passive» et «blanchiment d’argent» par le juge Sergio Moro, en charge de l’opération Lava Jato, vaste opération anti-corruption menée depuis 2014. Il est accusé d’avoir bénéficié d’un luxueux appartement par l’intermédiaire d’une entreprise de BTP. Avec cette condamnation, il est en théorie inéligible selon la justice électorale brésilienne, mais la loi électorale l’autorise malgré tout à participer à la campagne électorale depuis sa cellule, tant que le jugement du Tribunal supérieur électoral n’aura pas indiqué le contraire…

Officiellement, le Parti des Travailleurs (PT) compte toujours sur la candidature de son leader. Mais le PT serait en train de réfléchir à un «plan B», même si les noms évoqués, l’ancien gouverneur de Bahia Jacques Wagner et l’ancien préfet de São Paulo Fernando Haddad, ne semblent pas être en mesure de remporter un quelconque succès : ils recueillent seulement 2% d’intention de votes dans les sondages dans le cas où Lula ne serait pas candidat. Lula pourrait de son côté annoncer officiellement sa pré-candidature le dimanche 27 mai prochain afin de court-circuiter la possibilité d’un autre candidat que lui au PT.

Lula a en tout cas jusqu’au 15 août, date limite du dépôt des candidatures, pour jouer toutes ses cartes, y compris celle du soutien à l’international. Les multiples échéances réglementaires et juridiques du processus électoral brésilien laissent un calendrier potentiellement riche en rebondissements, où Lula tente de jouer finement la course contre la montre pour sauver le Brésil et surtout sa tête.

Gabriel VALLEJO