La chute du peso de ces dernières semaines et la mauvaise santé financière du pays ont contraint le Président argentin à solliciter l’aide du Fonds monétaire international (FMI). Le recours au FMI rappelle de bien mauvais souvenirs aux Argentins, traumatisés par la crise de 2001.
Photo : El Nuevo Día
Le Président argentin Mauricio Macri a annoncé le mardi 8 mai son intention de recourir au Fonds monétaire international afin d’obtenir une aide financière, alors que le peso chutait de 7% par rapport au dollar ce jour-là. Depuis les 45 derniers jours, le peso a perdu 19% de sa valeur.
Les raisons de cette chute sont multiples. D’une part, depuis le 15 mai, les détenteurs des lettres de créances Lebacs émises par la Banque centrale de la République argentine (BCRA) peuvent exiger leur règlement, soit près de 25 milliards de dollars. D’autre part, l’inflation récurrente (25% en 2017) conduit les Argentins à acheter de façon systématique des dollars, la monnaie étasunienne faisant office de monnaie refuge. La fuite des capitaux aurait ainsi atteint environ 35 milliards de dollars en 2017 en raison de l’épargne en devises hors des circuits bancaires, du départ de fonds d’investissement, du déficit commercial et de l’argent dépensé à l’étranger par les touristes argentins. Pour lutter contre ce phénomène, la Banque centrale a élevé le taux d’intérêt de référence à 40%, mais cette mesure ne s’est pas encore avérée efficace.
Pour enrayer cette mauvaise dynamique, l’Argentine a donc fait une demande auprès du FMI pour obtenir «un accord de confirmation». Il s’agit d’un type de prêt qui permet de répondre rapidement à des besoins de financements extérieurs. Le gouvernement argentin va devoir désormais entamer les négociations pour fixer la durée et le montant du prêt. Mais le prêt ne se fera pas sans contrepartie de la part du FMI, qui exigera sans doute des garanties sur la réduction du déficit budgétaire de l’État.
Ces contreparties exigées par le FMI ravivent des plaies difficilement cicatrisées : celles du traumatisme qu’a connu l’Argentine après la crise de 2001, pire crise économique de son histoire. Le pays s’était retrouvé en défaut de paiement, entraînant de violentes émeutes et une situation sociale catastrophique, avec 57% de la population qui vivait sous le seuil de pauvreté à cette époque. Le FMI avait alors apporté des fonds mais les plans d’austérité ont eu pour conséquence des coupes budgétaires et des baisses de salaires drastiques qui avaient plongé le pays dans la misère. En 2006, l’Argentine avait finalement remboursé sa dette de 9,6 milliards de dollars. Mais les tensions restaient vives entre l’organisme international et le gouvernement protectionniste des Kirchner : pendant dix ans, le pays a suspendu toute mission avec le FMI. Cette situation a changé en 2015 avec l’arrivée au pouvoir de Macri, favorable à l’ouverture du marché. La situation actuelle est donc surprenante dans la mesure où l’économie apparaissait comme le secteur de prédilection de l’homme d’affaires, ancien député et maire de Buenos Aires, également président de l’emblématique club de football Boca Juniors.
En ouvrant l’économie sur les marchés mondiaux, l’économie nationale a certes retrouvé la croissance (+2,7% en 2017) mais s’expose aux fluctuations et à la conjoncture mondiale : augmentation des prix du pétrole, monnaies des pays émergents dévaluées, taux d’intérêts mondiaux augmentés par la Réserve fédérale des États-Unis (FED). Dans un pays où les moindres fluctuations économiques provoquent immédiatement une crise de confiance de la monnaie pour des raisons historiques et mêmes culturelles, les conséquences de ces emballements sont toujours imprévisibles.
Gabriel VALLEJO