Le 26 mars 2018, le journaliste Javier Ortega, 32 ans, le photographe Paul Rivas, 45 ans, et le chauffeur Efrain Segarra, 60 ans, ont été pris en otage par le groupe dissident des FARC, le Frente Oliver Sinisterra, sous le commandement de Walter Patricio Artízala Vernaza, alias Guacho. Les trois hommes travaillaient pour le quotidien équatorien El Comercio. Les faits ont été confirmés le jour suivant par le ministre de l’Intérieur équatorien César Navas. Dix-huit jours après leur enlèvement dans le nord de l’Équateur, à la frontière avec la Colombie, le président équatorien Lenín Moreno, lors d’une brève allocution présidentielle, a confirmé l’assassinat du groupe de journalistes.
Photo : RSF
La fondation pour la liberté de la presse (FLIP) aurait reçu un communiqué de presse du groupe dissident qui confirmerait le meurtre des otages. Selon ce communiqué, la décision prise par le Front Oliver Sinisterra d’assassiner les otages a été mise en œuvre après un échec de sauvetage de la part des forces armées colombiennes et équatoriennes : «Le gouvernement paramilitaire et corrompu de la Colombie et le gouvernement agenouillé équatorien dirigé par ses présidents et ses procureurs ont conclu des accords pour combattre et éliminer notre mouvement. Depuis lors, les troupes et les forces d’intelligence colombiennes, équatoriennes, ont franchi avec insistance leurs frontières dans le but d’assassiner nos troupes, des milliers d’hommes ont cherché la guerre, la répression envers les populations de la zone frontalière, ainsi que nos combattants et familles, qui nous rappellent l’époque de 1964 dans la guerre de Marquetalia».
D’autre part, le premier média qui aurais reçu des preuves du meurtre des otages a été RCN radio. Le média colombien a reçu le communiqué de presse, de même que des photos des corps de trois travailleurs quelques heures avant le délai de douze heures laissé par le président équatorien aux kidnappeurs pour envoyer des preuves de vie. Or RCN n’a pas voulu se prononcer immédiatement tant que la véracité des preuves n’était pas confirmée. Quelques jours auparavant, un faux communiqué d’un groupe dissident confirmait le décès des journalistes. Cependant, vendredi 13 avril au matin, le groupe dissident a réclamé l’aide d’organismes internationaux pour venir récupérer les corps des otages.
Selon la FLIP, Bogotá et Quito auraient fait plusieurs erreurs dans la gestion de la situation. La fondation s’interroge sur la manière avec laquelle les deux gouvernements ont agi, irresponsable et autoritaire face à la menace de vies en péril. Cependant, le résultat rappelle une nouvelle fois la situation délicate dans laquelle se trouve la Colombie, où la période de post-conflit avec les FARC ne fait que commencer et, pour l’instant, le bilan est très négatif. À cela s’ajoute une situation périlleuse au travers des dialogues de paix entamés avec l’autre groupe de guérilla, l’ELN, qui se déroule en Équateur. Javier Ortega, Paul Rivas et Efrain Segarra se rendaient sur place afin d’obtenir plus d’informations sur la situation des territoires situés à la frontière de la Colombie et de l’Équateur, auparavant aux mains des FARC, et dont le contrôle est désormais disputé entre plusieurs groupes de narcotrafiquants et des dissidents de l’ancienne guérilla.
Le vendredi 13 avril, le président Juan Manuel Santos a ordonné au ministre de la Défense, Luis Carlos Villegas, de se rendre en Équateur pour faire face à la grave situation avec, à ses côtés, le directeur de la police, le général Jorge Nieto, et le commandant des forces militaires, le général Alberto José Mejía. Le président Lenín Moreno a, quant à lui, annoncé sur son compte Twitter que, dans les prochaines minutes, il rencontrera le Conseil de sécurité publique de l’État pour analyser les derniers événements et, par la suite, il se rendra dans le pays.
En revanche, les attaques du Front Oliver Sinisterra n’ont pas cessé : le 17 avril, à travers une vidéo reçue par le ministre de l’Intérieur équatorien César Navas, le groupe dissident envoie des preuves de vie d’un couple équatorien pris en otage. Sur cette vidéo, le couple réclame l’aide du président Lenín Moreno pour pouvoir sortir sain et sauf de cette prise d’otage, pendant que Bogotá et Quito ont envoyé environ 80 hommes à la frontière pour trouver «Guacho», le chef du groupe dissident.
Jonathan Z. CORONEL