Alors que la violence et la corruption font des ravages au Mexique, 88 millions d’électeurs seront appelés aux urnes le 1er juillet prochain. 3 400 mandats seront en jeu pour élire les députés, sénateurs, gouverneurs, mandats locaux et le Président. Ce scrutin hors norme pourrait rebattre les cartes politiques dans le pays.
Photo : Andrés Manuel López Obrador/Alto nivel
Les élections mexicaines en juillet 2018 pourraient bien marquer la fin du pouvoir du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, centre droit). L’actuel Président Enrique Peña Nieto souffre en effet d’une impopularité notoire, avec un bilan catastrophique sur la lutte contre la corruption et contre la violence du narcotrafic, les deux thèmes principaux de cette campagne.
Le « boom » de la violence…
Le macabre record des 25 339 homicides sur l’année 2017 est devenu le sujet de préoccupation principal des Mexicains. Tous les voyants sont au rouge : d’après des études de l’Instituto para la Economía y la Paz, les coûts humains et financiers de la violence sont particulièrement alarmants. Ainsi, d’après l’étude, le coût économique de la violence s’élèverait à 21% du PIB du pays, auquel il faut ajouter le climat de peur qui règne pour les habitants : 74% des Mexicains déclarent avoir peur de sortir dans la rue, d’après cette même étude. L’impunité quasi généralisée laisse aux Mexicains un sentiment de fatalisme et une confiance très limitée dans les institutions publiques en matière de lutte contre la violence.
Et les ravages de la corruption
Parallèlement à ce triste tableau, les scandales de corruption ont éclaboussé le pouvoir en place. Plusieurs proches du président Nieto ont ainsi été inquiétés ou inculpés par la justice, à tel point qu’aujourd’hui le Parti révolutionnaire institutionnel a dû faire appel à une figure extérieure au parti pour redorer son blason par l’intermédiaire du haut fonctionnaire et plusieurs fois ministre José Antonio Meade. C’est une première dans l’histoire du PRI, pourtant parti hégémonique pendant 71 ans jusqu’en 2000 et qui a repris le pouvoir en 2012 après une période d’alternance dirigée par le Parti action nationale (PAN, droite). José Antonio Meade, avec son alliance avec les Verts (PVEM) et la Nouvelle alliance (NA, centre), peine encore à se dégager de l’image désastreuse du parti au pouvoir et ne fait donc pas figure de favori.
Rejet des partis traditionnels
L’autre parti historique, le PAN, est également à la peine dans les sondages. Son jeune candidat conservateur de 39 ans, Ricardo Anaya, a tenté une alliance surprenante avec deux formations progressistes de gauche. Son objectif est de jouer la carte du ni gauche ni droite. Mais lui aussi est empêtré dans des scandales qui ternissent son image, accusé d’enrichissements illicites. Alors que Meade (PRI) et Anaya (PAN) sont au coude-à-coude dans les sondages pour la deuxième place avec environ 20% des intentions de votes, c’est le candidat de gauche Andrés Manuel López Obrador (AMLO de ses initiales) qui semble être le favori de cette élection avec entre 35 et 40% des intentions de vote en sa faveur. AMLO, candidat antisystème, qualifié de populiste par les partis de droite, veut s’attaquer à la «mafia du pouvoir». Il souhaite renverser les partis en place sur fond de rejet des partis traditionnels et «laver le gouvernement de la corruption de haut en bas». Après avoir mis en cause les milieux d’affaires et le secteur pétrolier, il commence à adoucir son discours pour être moins clivant et élargir son électorat. Cela semble fonctionner car il est bien parti pour remporter les élections présidentielles pour sa troisième et dernière tentative après ses échecs de 2006 et 2012.
Qui succèdera à Peña Nieto ?
Avec un scrutin particulier à un tour seulement, rien n’est encore joué pour le candidat de gauche dans cette longue campagne où les rebondissements sont encore possibles. Dans un climat économique incertain, gangréné par la violence et la corruption, avec les incertitudes vis-à-vis du voisin étasunien et de l’imprévisible Trump, il apparait malgré tout une volonté de changement de la part des Mexicains, qui rejettent les partis traditionnels. Cependant, la volonté de changement est souvent perçue comme une menace pour certains. De quel côté penchera la balance ? Rendez-vous le 1er juillet prochain.
Gabriel VALLEJO