Nobody’s Watching raconte l’histoire de Nico (interprété par l’excellent Guillermo Pfening), un jeune comédien argentin fraîchement installé à New York. Dans l’attente de trouver un rôle, il enchaîne les petits boulots, de serveur à baby-sitter. Sa vie affective et sociale s’en trouve bouleversée, quand son producteur argentin, un ancien amant, lui rend visite. Tout vacille, l’obligeant à se confronter aux raisons qui l’ont poussées à fuir Buenos Aires…
Photo : Nobody’s Watching
« Je suis restée sept ans aux États-Unis, avant de rentrer en Argentine où j’ai fait deux enfants et deux films, explique la réalisatrice Julia Solomonoff. Je suis revenue quelques années plus tard pour enseigner le cinéma. Je voulais raconter cette expérience personnelle, parler du sentiment d’appartenance à une culture et du désir de se réinventer. Je voulais évoquer ce que l’on gagne et ce que l’on perd lorsque l’on s’installe à l’étranger. Cette expérience, très importante dans ma vie, m’a aidée à savoir qui je suis. Elle suscite constamment une question chez moi : qui sommes-nous quand on est privé de sa culture d’origine ? Outre la liberté et la découverte de soi que cette expérience procure, il y a une perte d’identité. La tentation de l’anonymat est forte, surtout dans les grandes villes. Mais plus le temps passe et plus cet anonymat commence à nous ronger de l’intérieur. D’autant plus si on ne parvient pas à trouver sa place. À un moment donné, on a besoin des autres. La culture américaine est très individualiste pour un Latino-américain qui a un fonctionnement communautaire. On peut évoluer au sein d’un petit groupe de théâtre ou d’artistes. C’est ce qui nous aide à grandir. Je pense que notre réalisation personnelle ne peut s’accomplir que parmi les autres. »
Nous suivons Nico sur son vélo à travers les saisons et dans différents quartiers avec diverses tonalités lumineuses. Nous voyons aussi le bébé grandir et marcher. Avant de quitter l’Argentine, Nico jouait le rôle de quelqu’un tombé dans le coma : « Le coma est un élément mélodramatique dont les telenovelas raffolent. En tant que spectatrice, j’aime beaucoup le mélodrame. Mais en tant que réalisatrice, je rechigne à y recourir. Effectivement, cet état intermédiaire est une métaphore de l’état de Nico. »
Le film tient beaucoup à la qualité d’interprétation de Guillermo Pfening qui donne une grande force au personnage. Il a également joué dans Le médecin de famille (2013) de Lucía Puenzo. Quant à Julia Solomonoff, c’est son troisième film, après Hermanas (2005) et surtout le très beau Le dernier été de la Boyita (2009) sélectionné dans de nombreux festivals. Elle est aussi scénariste et productrice pour le cinéma et la télévision.
Encore un beau film à découvrir en ce printemps. Sortie le 25 avril.
Alain LIATARD