« Jesús, petit criminel », un film chilien puissant et déroutant réalisé par Fernando Guzzoni

Depuis la mort de sa mère, Jesús, 18 ans, vit avec son père souvent absent dans un petit appartement du centre-ville de Santiago. Il aime dessiner des mangas et danse dans un groupe à la façon des pop-stars coréennes. Depuis peu, il ne va plus à l’école et préfère traîner le soir dans les parcs avec son groupe de copains. Il séduit les filles mais aussi les garçons, ce qu’il est obligé de cacher. Lors d’une nuit d’excès, Jesús perd le contrôle : tout va basculer pour le jeune homme.

Photo : extrait Jesús, petit criminel

Inspiré d’un fait divers – le tabassage en règle d’un jeune homosexuel par quatre garçons alcoolisés –, le film est également l’occasion de faire un état des lieux très préoccupant sur la jeunesse ; une situation qui n’est pas propre au Chili, mais qui montre la déconnexion de la réalité de la nouvelle génération nourrie à la violence, à Internet, au sexe et à… la pop coréenne.

« Dès les premières scènes, la chorégraphie intense d’un boys band filmée en pleine immersion est interrompue par les écrans noirs du générique. La musique k-pop tonitruante est brutalement interrompue par des secondes de silence avant de reprendre de façon tout aussi abrupte. Nous sommes prévenus, voilà un film qui ne cherche pas à laisser le spectateur tranquille. Mais peut-on dire pour autant que le ton du film est d’emblée lancé ? Oui et non. Jesús, gamin gâté à la jeunesse dorée, plus ou moins laissé à son compte par un père absent, traîne son ennui, boit et baise comme tant d’autres ados. Un soir, avec sa bande de potes, par ennui et défi, ils tabassent à mort un autre jeune garçon SDF dans un parc. », explique Gregory Coutaut. Jesús, petit criminel fait ainsi écho aux films des Mexicains Carlos Reygadas ou Amat Escalante.

« À mi-parcours, le film bascule progressivement, change de récit et de protagoniste, change même de ton. La première partie, puissante mais étouffante, laisse place à une seconde, plus lente et plus amère. Jesús passe au second plan au profit de son père, et ce sont les codes d’un autre film qui semblent alors se mettre en place, ceux d’un thriller viril où un homme seul contre tous cherche à faire justice lui-même. On passe à un autre terrain cinématographique, lui aussi bien balisé, et pourtant l’alliance des deux crée un étonnant mélange, et une subtilité bienvenue. Le parcours moral des protagonistes prend un relief surprenant pour finalement faire preuve d’encore plus de noirceur que prévu. On pensait avoir un coup d’avance sur le film, mais c’est lui qui au final, nous laisse ko. », explique Henri Mesquida.

Ce beau portrait tragique de la perte de l’insouciance est réalisé par Fernando Guzzoni, né en 1983 à Santiago du Chili, et fait suite à son premier film, Carne de perro, réalisé en 2012. Les deux acteurs principaux, le jeune Nicolás Durán, à la beauté androgyne et, dans le rôle du père, Alejandro Goic, fidèle du cinéma de Pablo Larraín (El Club, Neruda), sont filmés au plus près dans un clair-obscur magnifique. Un film puissant et déroutant aux cadrages serrés, notamment dans la première partie. À découvrir en salle à partir du 28 mars.

Alain LIATARD

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