Au Salvador, les élections législatives, soit 84 députés, et municipales – 262 municipalités au total – du 4 mars dernier montrent un net revers pour le FMLN (Front Farabundo Martí de libération nationale, gauche) au pouvoir, et le retour du Parti ARENA (Alliance républicaine nationaliste) qui espère reprendre la présidence lors des élections d’avril 2019.
Photo : Criterio
Le fort recul du FMLN [1] au pouvoir depuis 2015 serait dû à trois raisons majeures : l’usure habituelle d’un parti au pouvoir, un mécontentement populaire exprimé par une abstention massive (70 %) et les menaces états-uniennes d’expulser des dizaines de milliers de migrants. N’ayant pas de majorité au Congrès (aux mains des oligarchies), avec un pouvoir judiciaire et les grands médias clairement dans l’opposition, toutes les tentatives de réformes des structures économiques et sociales ont été neutralisées.
Les résultats
Les électeurs devaient élire 84 députés au Congrès unicaméral. ARENA (extrême droite) obtient 38 sièges, FMLN (gauche) 22, PCN 10, GANA 9, PDC 3 (tous les trois à droite), CD 1, autre 1. Quant aux 262 municipalités, ARENA en contrôlera 138 (où vivent 66 % de la population) dont celle de la capitale, San Salvador, arrachée au FMLN. Ce dernier ne contrôlera plus que 69 mairies (15 de moins qu’en 2015). Ensuite, le PCN obtient 27 mairies (9 de plus) et GANA 24.
Les erreurs du gouvernement FMLN
Le bilan du président Salvador Sánchez Cerén n’est pas si négatif si l’on se rappelle qu’il existe aujourd’hui une meilleure distribution des revenus et une nette diminution de la violence des bandes criminelles, les maras. Malgré les progrès sociaux réels, les organisations de base avaient attiré son attention sur le manque d’écoute envers les revendications sociales. Le retrait des subventions au système de pension, ou les taxes sur les téléphones par exemple, ont affecté classes moyennes et secteurs populaires. Le candidat présidentiel du FMLN pour les élections présidentielles de l’année prochaine, Gerson Martínez, estime que, si le peuple a envoyé un message clair à tous les partis (70 % d’abstention), la leçon est particulièrement destinée au FMLN : « Le parti et la direction [le gouvernement] ont des responsabilités : le gouvernement pour avoir pris des décisions erronées et s’être éloigné du peuple, et le parti pour ne pas avoir réagi et corrigé ces erreurs. » Il demande au parti d’effectuer des changements et de développer un processus de rénovation.
La droite contrôle tout !
Suite à ces élections, les partis de droite (ARENA, PCN et PDC) nommeront très vite les membres des institutions : le Congrès, la Salle constitutionnelle, le procureur de la République, les magistrats de la Cour des comptes et le procureur de défense des Droits de l’Homme. Leur influence atteindra aussi le Pouvoir judiciaire et le Ministère public.
Un des candidats favoris d’ARENA pour la présidentielle de 2019, l’homme d’affaire Javier Simán, a déjà donné une idée de l’orientation de la politique du parti : le rapprochement avec les États-Unis. Depuis Washington où il se trouve « en visite pour montrer aux États-Unis que nous travaillons pour un changement », il a déclaré qu’il était « important de maintenir une discussion permanente [avec les USA] et d’avoir une équipe de haut niveau au sein de l’ambassade, qui puisse informer les congressistes US sur ce qu’il se passe dans notre pays. Cela a été négligé. [Avec le FMLN], l’ambassade salvadorienne a été absente de l’environnement politique à Washington ».
Bientôt les présidentielles
En avril 2019, les électeurs éliront leur nouveau président. À gauche, le président Sánchez Cerén a déjà annoncé « des modifications » dans le parti « pour changer beaucoup des choses que la population estime mauvaises » et ainsi peut-être gagner les élections. À droite, les trois principaux partis sont déjà convaincus qu’ils seront les vainqueurs. Le parti ARENA a demandé à ses alliés de voter pour leur candidat aux prochaines primaires. Ce n’est pas sûr qu’ils accepteront. Les jeux sont donc encore loin d’être faits…
Jac FORTON
[1] FMLN : Frente Farabundo Martí para la Liberación Nacional (gauche). ARENA : Alianza Republicana Nacionalista (extrême droite). PCN : Partido de Concertación Nacional (droite). PDC : Partido Demócrata Cristiano (droite). GANA : Gran Alianza por la Unidad Nacional (centre). CD : Cambio Democrático.