Grave recul des droits humains selon le Rapport 2018 d’Amnesty International

Dans l’ensemble de la région des Amériques, un très grand nombre de personnes sont confrontées à une crise des droits humains de plus en plus grave, exacerbée à la fois par la dévaluation des droits humains en droit, en politique et en pratique, et par le recours croissant aux politiques de diabolisation et de division. Ce recul des droits fondamentaux a renforcé la méfiance à l’égard des autorités et des systèmes judiciaires nationaux.

Photo : Amnesty France

Le Rapport 2018 publié la semaine dernière par l’association de défense des droits humains traite de 159 pays. Selon Amnesty, au lieu de s’appuyer sur les droits humains pour rendre l’avenir plus juste, beaucoup de gouvernements sont revenus à des politiques répressives, utilisant de manière abusive leurs forces de sécurité et leur appareil judiciaire pour faire taire la contestation et les critiques. De même, ils laissent la pratique généralisée de la torture et d’autres mauvais traitements se poursuivre en toute impunité ; ils ne font rien pour lutter contre les inégalités, la pauvreté et la discrimination omniprésentes et entretenues par la corruption, l’absence d’obligation de rendre des comptes et les défaillances de la justice.

En Amérique latine

Dans l’ensemble de la région, les actes de violence sont souvent favorisés par la prolifération des armes illicites de petit calibre et la progression de la criminalité organisée. La violence à l’égard des personnes LGBTI, des femmes, des filles et des peuples indigènes est fréquente. Selon un rapport de l’ONU, l’Amérique latine et les Caraïbes demeurent la région la plus violente du monde pour les femmes, en dépit de lois draconiennes adoptées pour résoudre cette crise. La région continue d’afficher une augmentation inquiétante des menaces et d’attaques visant des défenseurs des droits humains, des militants des droits fonciers, des dirigeants de communautés et des journalistes, y compris par le biais d’une utilisation abusive de l’appareil judiciaire.

Un très grand nombre de personnes ont fui leur foyer pour échapper à la répression, à la violence, à la discrimination et à la pauvreté. Beaucoup ont subi d’autres atteintes aux droits humains pendant leur périple ou à leur arrivée dans d’autres pays de la région. L’incapacité des États à faire respecter les droits humains a laissé plus de latitude aux acteurs non étatiques pour commettre des crimes de droit international et d’autres violations. Parmi ces acteurs figurent des organisations criminelles, qui contrôlent parfois des territoires entiers, souvent avec la complicité ou l’assentiment des forces de sécurité. Des entreprises nationales et multinationales ont essayé de s’emparer des terres et des territoires de communautés indigènes et paysannes. L’absence de protection des droits économiques, sociaux et culturels a fait souffrir énormément de personnes.

Exprimer ses opinions devient dangereux

Selon Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International, « en 2018, nous ne pouvons certainement pas tenir pour acquise la liberté de nous rassembler pour protester ou celle de critiquer nos dirigeants. En fait, il devient de plus en plus dangereux d’exprimer ses opinions… Les autorités poursuivent sans relâche les personnes qui se sont mobilisées pour les droits humains. Un nombre sidérant et croissant de militants sont tués : 312 homicides ont été enregistrés en 2017, contre 281 l’année précédente… »

L’organisme souligne la tendance à la criminalisation de la protestation, les détentions arbitraires en augmentation, les morts dans des contextes de manifestations sociales et la discrimination croissante envers les peuples originels lorsque les autorités utilisent des procédures pénales pour les harceler.

De l’espoir cependant

Pour Amnesty, le déni croissant des droits fondamentaux n’a pourtant pas été synonyme de désengagement. Le malaise social naissant a incité des personnes à descendre dans la rue, à défendre leurs droits et à réclamer la fin de la répression, de la marginalisation et de l’injustice. En dépit des efforts déployés par certains États pour fermer des ONG, entraver le travail des médias, restreindre le droit des personnes à manifester, et emprisonner des personnes menant des campagnes, les gens ont refusé de se taire. Dans ce climat de peur et d’intimidation, « il est plus important que jamais de continuer de faire entendre notre voix ».

Jac FORTON *

  • Textes repris du Rapport 2018.  Site AI France