Il est étrange, cet Institut Midoro Filho, installé dans le centre de São Paulo. Les médecins ou les psychothérapeutes qu’on penserait y trouver sont des onirocrites : ils agissent sur les rêves de leurs patients à l’aide d’objets divers, ou plus exactement de reproductions en miniatures d’objets divers tels que serpents, voitures ou trompettes, d’où le titre du roman.
Photo : Éditions de l’Aube
Les onirocrites sont donc des professionnels chargés de guider, d’orienter les rêves de leurs patients. Le patient en question entre dans l’Institut alors qu’il est déjà endormi, en train d’entrer dans un de ses rêves et son onirocrite l’accompagne dans ses voyages oniriques. Comme, de plus, certains médecins (des vrais) sont persuadés que rêver régulièrement allonge la durée de la vie, ils conseillent à leurs propres patients de fréquenter l’Institut Midoro Filho.
Curieusement, dans cet univers dans lequel rien n’est rationnel, tout est rigoureusement codifié (on peut d’ailleurs en dire autant d’un cabinet de psychiatre). On se meut beaucoup dans les rêves des deux patients habituels de l’onirocrite narrateur, une mère, la quarantaine, chauffeur de taxi, et son fils de seize ans. Mais où finit le rêve et où commence la « vraie vie » ? C’est bien le quotidien des deux personnes qui obsède le pseudo thérapeute, plus que leurs rêves. Et c’est bien leur quotidien qu’on voit défiler sous nos yeux de lecteurs. Dans son métier, c’est une faute et un danger. Il se met à faire une véritable fixation sur ce qu’il voit changer dans leur existence de tous les jours, dans leurs relations.
Le lecteur en sait beaucoup plus que lui, il connaît en détail une bonne partie de la vie de la mère et du fils, des scènes hyperréalistes qui contrastent fortement avec le monde onirique auquel lui a accès, puisqu’il travaille dans un environnement plutôt décalé, rêve oblige.
Andréa del Fuego joue avec ce glissement entre le réel et le fantasme onirique, la certitude n’existe plus, ce à quoi on assiste est-il rêve ou réalité, et cette ambivalence donne un charme à ce récit qui, sans se prendre au sérieux, offre une évasion vers l’irréel.
Christian ROINAT
Les miniatures d’Andréa del Fuego, traduit du portugais (Brésil) par Cécile Lombard, Éd. de l’Aube, 191 p., 17 €.