María de Jesús Patricio, surnommée Marichuy, est la femme indigène d’origine nahual désignée par le Conseil national indigène (CNI) du Mexique comme porte-parole de la cause indigène. Soutenue par l’Armée zapatiste et les peuples zapatistes, elle est la voix des 52 ethnies indigènes qui composent le CNI. Marichuy mène aujourd’hui une campagne dans tout le pays dans le but de collecter des signatures pour figurer comme candidate indépendante aux prochaines élections présidentielles ; mais le véritable objectif de cette campagne est de diffuser le projet indigène qui aspire à transformer l’actuel paysage politique du pays.
Photo : Francisco Sandoval/Animal Político
Le 1er juillet prochain auront lieu au Mexique les élections fédérales qui entraîneront le changement de président, ainsi que des 128 sénateurs et des 500 députés. C’est à cette occasion que sera appliquée pour la première fois la réforme électorale votée en 2014 ; celle-ci représente une rupture avec le système de partis qui a perduré pendant 70 ans dans le pays. Cette réforme électorale permet désormais à tout citoyen mexicain n’appartenant à aucun parti politique de se présenter aux élections en tant que candidat indépendant si celui-ci recueille les signatures requises, c’est à dire les 1 % des citoyens inscrits sur les listes électorales, ce qui équivaut au moins à 866 593 signatures, qui doivent elles-mêmes provenir au minimum de dix-sept États. D’autre part, les candidats indépendants devront financer eux-mêmes leur campagne.
Parmi les quatre-vingt-six citoyens qui cherchent à récolter les signatures demandées figure María de Jesús Patricio alias Marichuy qui se positionne à la cinquième place avec 14 % des signatures requises recueillies. Marichuy, 57 ans, d’origine nahual, pratiquante de la médecine traditionnelle, incarne le discours indigène sans être membre d’aucun parti politique et est en fait bien plus une porte-parole indigène qu’une candidate indépendante qui aspire à la présidence. Elle affirme qu’obtenir toutes les signatures n’est pas son objectif principal. Même si celui-ci reste important, le défi majeur de Marichuy et du CNI est de propager son projet à travers le pays et de rendre visible ce qui se passe parmi ces peuples. « On veut que ce soit le peuple qui commande et le gouvernement qui obéisse », affirme Marichuy.
Parce que, comme elle le déclare, « le changement ne viendra pas de ceux qui se trouvent en haut », le projet politique de Marichuy propose une forme de gouvernance qui organiserait le pouvoir d’en bas, c’est-à-dire avec le peuple, de tous les secteurs de la société. Indépendamment du succès ou de l’échec de sa candidature, son projet s’organise de façon thématique et collective, les points les plus importants à relever de son discours étant l’accès à la terre, le territoire, l’autonomie, la justice, les conditions migratoires et les déplacements forcés, le travail et l’exploitation, la place de la femme dans la société, la diversité sexuelle, les projets capitalistes au détriment de la terre, la corruption… La lutte menée par Marichuy ne concerne pas seulement les indigènes ; elle s’adresse aussi à tous ceux qui se sentent marginalisés ou exploités et qui considèrent qu’il est temps de reconstruire le pays avec le peuple.
C’est la première fois qu’une telle force indigène apparaît sur la scène politique mexicaine. La voix de Marichuy concrétise la présence et les revendications des collectivités indigènes en en faisant un projet électoral. Ce projet qui vise à unifier les peuples est encore loin d’atteindre son objectif, avec seulement 14 % des signatures requises. Néanmoins, chaque signature obtenue est un pas en avant pour rendre la problématique indigène, déjà présente au Mexique depuis des siècles, enfin visible.
Karla RODRÍGUEZ