Les élections présidentielles, qui auront lieu dans six pays, vont-elles modifier le panorama politique en Amérique latine ? Le sentiment anti-partis traditionnels qui prévaut partout pourrait apporter bien des surprises. Un retour du centre gauche est-il possible ? Il y aura des élections au Paraguay, au Costa Rica, en Colombie, au Brésil, au Venezuela et au Mexique. En suivant l’ordre chronologique de ces élections 2018, cette première partie donne quelques indications sur les enjeux ; une deuxième partie sera à suivre la semaine prochaine.
Photo : TheTicoTimes
Le dimanche 4 février au Costa Rica
Les élections du 4 février verront s’affronter 13 candidats dont trois seulement qui ont de bonnes chances de l’emporter. Les candidats des deux partis traditionnels, le PLN (Partido Liberación Nacional, droite) et le PUSC (Partido Unidad Social Cristiana, centre gauche) sont respectivement Antonio Álvarez et Rodolfo Piza. L’avocat Juan Diego Castro du Partido Integración Nacional (PIN, très conservateur), qui revendique la « mano dura », pourrait faire la surprise. Le Partido Acción Ciudadana (Action citoyenne, centre gauche) de l’actuel président Luis Guillermo Solís et le Frente Amplio (Front élargi, gauche, pas encore de candidat définitif) ont peu de chances de réaliser un bon score. Et les (nombreux) autres petits partis, encore moins : le Partido Movimiento Libertario (PML) de Otto Guevara, le Partido Accesibilidad sin Exclusión (PASE) de Oscar López, le Partido Nueva Generación (PNG) de Sergio Mena, le Partido Renovación Costarricense (PRC) de Stephanie Campos (évangélistes), le Partido Restauración Nacional (PRN) de Fabricio Alvarado (conservateur), le Partido Republicano Social Cristiano (PRSC) de Rodolfo Hernández, ancien allié du PUSC. Ces partis cherchent bien sûr à former des alliances… Un deuxième tour en avril est plus que probable.
Le 22 avril le Paraguay élu tous la représentation nationale
Le 22 avril, en plus du nouveau président, les électeurs éliront gouverneurs, sénateurs et députés. La lutte pour la présidence verra s’affronter Mario Abdo Benítez du Partido Colorado actuellement au pouvoir, et Efraín Alegre de la Gran Alianza Nacional Renovada (GANAR), une coalition de centre gauche composée du Partido Radical et du Frente Guasu de l’ex-président Fernando Lugo. Le Parti Colorado a régné sur le pays pendant plus de 70 ans avant d’être défait par la Parti Libéral radical authentique qui avait mené Fernando Lugo à la présidence. Ses politiques de centre gauche déplaisant aux grands propriétaires terriens, ils fomentèrent un coup d’État et destituèrent le président Lugo illégalement en juin 2012. Mario Abdo Benítez, connu comme « Marito » et fils de l’ex-secrétaire personnel du dictateur Alfredo Stroessner, a battu lors des primaires Santiago Peña, le candidat de l’actuel président Horacio Cartes.
La Colombie organise de présidentielle le 27 mai 2018
Les élections du 27 mai sont étroitement liées au résultat du referendum « Si ó No » sur les accords de paix récemment signés entre le gouvernement du président Juan Manuel Santos et les guérilleros des FARC. La victoire surprenante du « No » fait que les alliances politiques en cours se définissent par rapport à la position des partis sur ce résultat. Plusieurs particularités : d’abord, de nombreux candidats ont préféré recevoir leur nomination par recueil de signatures citoyennes plutôt que par le soutien de partis ; un reflet du manque de confiance des électeurs envers les partis traditionnels. Ceux-ci par contre négocient des coalitions. Ensuite, première participation de l’ancienne guérilla FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) devenues le Partido FARC (Fuerza Alternativa Revolucionaria del Común, Force alternative révolutionnaire du commun, c’est-à-dire de la communauté). Finalement, pour tous, il s’agit de lutter contre l’abstention massive caractéristique des élections colombiennes.
La droite dure est représentée par le Centro Democrático de l’ancien président Alvaro Uribe unie au Partido Conservador de l’également ancien président Andrés Pastrana. Leurs candidats devront passer par une primaire : Iván Duque, proche de l’ancien président Alvaro Uribe, Marta Lucía Ramírez, ex-ministre de la Défense d’Uribe, et Alejandro Ordoñez, ancien procureur, ennemi des accords de paix. Leur programme : annuler les accords de paix et exonérer les transnationales d’impôts. Le favori semble être Iván Duque. Au centre, la Coalición Colombia réunit le Partido Compromiso Ciudadano (Parti de l’engagement citoyen) de Serge Fajardo, l’Alianza Verde de Claudia López et le Polo Democrático de Jorge Robledo. Fajardo devrait sortir gagnant de la primaire avec un programme fondé essentiellement sur la lutte contre la corruption.
Le centre gauche sera défendu par l’ancien maire de la capitale Bogotá, Gustavo Petro, du mouvement Colombia Humana, qui cherche à s’allier à l’Alianza Social Independiente (ASI) de Clara López, à la Fuerza Ciudadana (Force citoyenne) de Carlos Caicedo et au Partido Liberal de Humberto de la Calle, qui fut le négociateur principal du gouvernement lors des discussions menant à la paix à Cuba. Celui-ci a pourtant déjà laissé entendre qu’il ne rejoindrait pas cette coalition. À gauche, grande nouveauté : la FARC issue des FARC présentera son candidat Rodrigo Londoño. Ce sera la première action politique du nouveau parti de l’ex-guérilla. Les accords de paix lui octroient d’office lors de cette élection 5 sièges de sénateurs et 5 députés. Eections présidentielles On peut aussi noter la candidature de Piedad Córdoba du mouvement Poder Ciudadano (Pouvoir citoyen) dont le programme parle de ré-industrialisation et de réforme fiscale. Nous suivrons ces élections au fur et à mesure de l’actualité.
Jac FORTON