Originaire de Antioquia en Colombie, l’écrivaine colombienne Gloria Bernal Acevedo est avocate et criminologue, spécialisée en violence de genre. Son dernier livre, Langues coupées ou le réalisme quotidien, en édition bilingue, traite de la violence sexuelle contre les femmes et les homosexuels, du machisme exacerbé par la force et l’impunité dans le contexte du conflit colombien. Invitée des Belles latinas 2017, l’auteure a accepté de répondre à nos questions.
Photo : BM de Lyon – Gloria Bernal deuxième de gauche à droite.
Pourquoi vous êtes-vous intéressée à cette thématique ?
À partir du moment où je me suis intéressée au conflit armé du point de vue d’une perspective juridique, ma préoccupation fut comment amener sur le terrain judiciaire les cas de violence sexuelle comme arme de guerre. Le premier pas fut comment rendre visible ce qui était caché et qui ne donnait jamais lieu à des enquêtes. Le langage doit descendre jusqu’au contexte de la violence ; il faut comprendre ce que dit une femme victime de la violence quand elle parle, comprendre ses mots dans un contexte quasi encodé parce qu’il existe des sentiments complexes de culpabilité et d’incompréhension sur ce qu’il s’est passé. Je me suis décidée à enquêter sur ce thème lorsque je me suis rendue compte que les enquêteurs qui traitaient des violences contre la population civile, ne demandaient jamais aux femmes si elles avaient subi des violences sexuelles. Les femmes, encore moins les fillettes, n’osaient pas aborder ce sujet si personne ne leur demandait.
La justice transitionnelle aux paramilitaires a-t-elle apporté quelque chose ?
Aborder ce thème dans un pays qui n’a pas encore abordé le post conflit est assez paradoxal et complexe. Les procès transitionnels des paramilitaires depuis 2005 ont incontestablement été importants, comme le sont aujourd’hui ceux des FARC. Les paramilitaires ont confessé environ 60 000 délits sur 12 ans, parmi lesquels des massacres, des assassinats, des disparitions forcées, des évacuations forcées. Les délits de violence sexuelle ne furent pas reconnus. Cependant, suite à des enquêtes, il a été possible d’établir des centaines de délits de ce type. Cette procédure transitionnelle contre les paramilitaires, connue comme « Justice et Paix », a permis de révéler la vérité sur ce qu’il s’est passé. Bien que partielle, elle a au moins permis de trouver des auteurs de délits qui n’auraient jamais été découverts si ce n’était par leurs confessions. Il est important de mentionner que 33 % des guérilleros démobilisés sont des femmes guérilleras. La procédure de fin d’un conflit armé ne se fait pas en un an. C’est complexe parce qu’il faut matérialiser les accords de paix et placer ces crimes dans l’espace judiciaire, mais la perspective est encourageante. C’est aussi l’occasion de s’interroger sur la place de la littérature dans le processus de paix en Colombie.
D’après les propos de Gloria BERNAL,
traduction et adaptation par Jac FORTON
Gloria Bernal à Bellas Latinas ici