La revue Le Genre humain (Seuil) vient de publier un volume consacré à François Mitterrand et l’Amérique latine, sous la direction d’Alain Rouquié. Cet ouvrage est issu d’une journée d’étude intitulée « François Mitterrand et l’Amérique latine (1971-1995) » organisée par la Maison de l’Amérique latine à l’occasion du centenaire de la naissance de l’ancien président, en partenariat avec l’Institut François-Mitterrand. Le volume retrace le parcours politique et l’orientation diplomatique de François Mitterrand structurés autour des périodes des dictatures et des démocraties en Amérique latine, monde qu’il ne découvrit que sur le tard.
Photo : François Mitterrand/couverture Le Genre humain
La première période qui va des années 1970 à 1981 a profondément marqué « le peuple de gauche » comme on disait alors et tous les démocrates : l’Amérique latine est alors le sous-continent des dictatures, des coups d’État militaires survenus au Chili, en Uruguay (1973) et en Argentine (1976), des insurrections au Nicaragua et au Salvador. Le Brésil ne retrouvera la démocratie qu’en 1985. C’est dans ce contexte que se forgera et qu’évoluera la diplomatie mitterrandienne, faite d’inflexions remarquables au début et ensuite d’évolutions plus pragmatiques, inscrites dans les perspectives de la coopération et du développement y compris culturels.
Les auteurs des contributions documentent avec une grande précision ces 25 années de violences et de démocratie retrouvée mais convoquent aussi des souvenirs en relation avec des acteurs politiques connus, tel Régis Debré, ou restés dans l’ombre du Parti socialiste et du gouvernement. Les « entourages » – dirigeants de partis de gauche, intellectuels, universitaires français – ont noué des liens durables avec des réfugiés politiques latino-américains venus en France au temps des dictatures.
Inflexion diplomatique ? La période inaugurale du gouvernement de l’Union de la gauche est marquée par deux interventions présidentielles marquantes : la déclaration franco-mexicaine d’août 1981 sur le conflit salvadorien qui prône un dialogue incluant les fronts d’opposition contre la junte soutenue par les États-Unis et, quelques mois plus tard, un discours mémorable de François Mitterrand à Mexico sur « l’Amérique latine fraternelle et souveraine ».
Cette période ouvre-t-elle durablement une nouvelle ère pour la présence de la France en Amérique latine, au-delà de l’aventure présidentielle ? Les diverses analyses proposées nourrissent la réflexion sur les relations entre la France, l’Europe et l’Amérique latine hier (et aujourd’hui), la permanence de certaines questions, le pragmatisme économique (aujourd’hui renforcé) et soutiennent un intérêt plus large pour la géopolitique de cette période.
L’autre intérêt de ce volume est de voir ce que fait la littérature et la culture à la politique. On le sait, François Mitterrand était un grand lecteur et un lettré. À toutes les étapes de son parcours et de ses voyages, les références à la littérature et à l’histoire sont très présentes. Les auteurs nous rappellent l’essor de la littérature latino-américaine des années 60 et 70 en France et les relations personnelles que François Mitterrand a entretenues avec Pablo Neruda, Gabriel García Márquez, Carlos Fuentes, Julio Cortázar… Ses chroniques reprises dans ses ouvrages nous rappellent combien le meilleur de la littérature a nourri sa découverte de l’Amérique latine et de son monde politique.
Maurice NAHORY
François Mitterrand et l’Amérique latine (1971-1995) sous la direction d’Alain Rouquié, Le genre humain (Seuil, novembre 2017). Pour l’acheter ici