Alors qu’en 2009, la Cour suprême demandait à l’armée d’arrêter le Président Manuel Zelaya qui prétendait changer la Constitution pour permettre sa réélection, celle-ci autorise aujourd’hui le Président actuel, Juan Orlando Hernández (Parti national de droite), à se représenter ! La lenteur du dépouillement des résultats fait soupçonner des pratiques frauduleuses.
Photo : Salvador Nasralla/Página 12
Le coup d’État de 2009
À l’époque, le Président Manuel Zelaya propose que, à l’occasion des futures élections de novembre, une « quatrième urne » soit mise en place. Cette consultation populaire portait sur la question suivante : « Êtes-vous d’accord pour qu’une assemblée constituante discute de modifications à la Constitution ? ». Il s’agissait de modifier un des articles qui interdit la réélection d’un président ou d’un ancien président. Le Parlement et le pouvoir judiciaire, entièrement contrôlés par la droite, y virent l’occasion de se débarrasser d’un président accusé de « gauchisme », parce qu’il envisageait un rapprochement avec le Venezuela d’Hugo Chavez. Accusé de « traître à la patrie, d’abus d’autorité et d’usurpation de fonctions », Zelaya est arrêté par l’armée au petit matin, mis en pyjama dans un avion militaire et expulsé au Costa Rica ! Pour que les choses soient claires, l’armée arrête également les ambassadeurs du Nicaragua, de Bolivie et du Venezuela. Ceci est vécu en Amérique latine comme un coup d’État.
Un deuxième coup d’État en 2017 ?
Le président actuel, Juan Orlando Hernández (connu sous le sigle JOH), issu du Partido Nacional qui a soutenu le coup d’État de 2009, n’a donc pas pu, selon le même article de la Constitution, se représenter aux élections présidentielles du 26 novembre dernier. La montée de la coalition Alliance de l’Opposition contre la Dictature de Salvador Nasralla (gauche) inquiète la droite. Le président Hernández souhaitant conserver son statut, il lui a suffit de convaincre la Cour suprême de passer outre la loi en vigueur. Tous les rouages de l’État étant contrôlés par sa personne, cette dernière s’est empressée de déclarer que l’article 239 était « inapplicable » concernant les élections présidentielles de 2017 ! Ce tour de passe-passe autorise ainsi la nouvelle candidature du Président sortant. Manifestement, ce qui est un crime pour un président de centre gauche n’en est plus un quand il s’agit d’un président de droite…
Mauvaise surprise pour le président sortant
Il y avait neuf candidats, dont trois seulement avaient une chance de gagner au premier tour : le président sortant Juan Orlando Hernández du Partido Nacional, grand favori de l’élection, Salvador Nasralla du Parti de gauche Alianza de Oposición contra la Dictadura et Luis Zelaya (aucun rapport familial avec l’ancien président Manuel Zelaya victime du coup d’État de 2009) du Partido Liberal très à droite. Le premier bulletin du Tribunal électoral n’était pas encore publié que le Président sortant clamait déjà sa victoire, suivi aussitôt par son opposant Nasralla. Tout le monde crie victoire sauf Luis Zelaya, reconnaissant sa défaite et félicitant Nasralla qu’il déclare vainqueur des élections.
Après les premiers résultats, le silence…
Les premiers résultats donnent Salvador Nasralla devançant Juan Orlando Hernández d’environ cinq points, « une tendance difficilement réversible » selon des observateurs. Les votes dépouillés jusqu’à présent sont ceux émis électroniquement dans les grandes villes comme la capitale Tegucigalpa, ou San Pedro Sula. Restent à dépouiller plusieurs centaines de milliers de votes venant des zones les plus reculées du pays et dont les urnes arrivent lentement par camions à la capitale – ce qui les exposent à toutes les manipulations possibles, dénonce l’opposition.
Une lenteur suspecte
La lenteur du dépouillement éveille les soupçons. La sociologue Mirna Flores, de l’Université Nationale, a confié au journal argentin Página12 que « les citoyens ne croient plus dans les institutions : une Cour suprême qui approuve un candidat contre la Constitution et un Tribunal Électoral qui accepte une inscription illégale… Et maintenant, tant de temps pour compter les votes. Les citoyens croient que se prépare une fraude électorale » pour que gagne le président Hernández. Le fait que les ordinateurs du Tribunal électoral (TSE) soient tombés plusieurs fois en panne, dont une fois pendant plus de cinq heures, inquiètent avec raison les électeurs de Nasralla. Vendredi 1er décembre au matin, le TSE annonçait que le gagnant était le président Hernández par une très étroite marge de 1 %. Les électeurs de l’Alliance sont immédiatement descendus dans la rue pour crier à la fraude. Salvador Nasralla a annoncé qu’il ne reconnaîtra pas les résultats et exige que les actes de votes soient recomptés devant des observateurs internationaux indépendants « et surtout pas par le TSE ». Le Honduras entre en grave crise institutionnelle…
Jac FORTON